Pendant le reste de la matinée, je fus sur tous les fronts. Le directeur, ainsi que je l'avais prévu, voulut me voir mais ne fit aucune difficulté pour se laisser convaincre du bien-fondé de mes décisions et me remercia pour mon zèle sous le regard furibond d'Irina Malcolm. L'entente cordiale dont nous avions récemment fait preuve semblait s'effriter devant une question que j'avais soulevée lors de ma confrontation avec elle : la succession de Marx. Ce poste, soyons clairs, ne m'intéressait pas puisque je projetais de me faire la malle le plus vite possible, mais la doctoresse ne le savait pas. Autrefois, elle n'avait pas eu à se soucier de cela, surtout après l'évincement de Rick qui avait perdu son poste de chef de la sécurité, et, plus récemment, la boule, mais aujourd'hui, c'était différent. Lorsque la vie d'un leader est menacée, tout le monde, dans n'importe quelle organisation – y compris humaine, ne rêvez pas – se demande qui prendra sa place le moment venu. J'avais intérêt à surveiller mes arrières si je ne voulais pas qu'Irina se débarrasse de moi quand j'aurais le dos tourné.
Après mon petit tour chez Marx, j'allais au bureau des Elites, pris connaissance des tours de garde mis en place, puis me rendis dehors pour faire le tout du périmètre et vérifier nos dispositifs. Deux ou trois remarques acerbes par-ci par-là et le tour était joué : j'accentuai la pression ressentie par tous et l'inquiétude d'une attaque imminente tout en jouant mon rôle. La situation s'avérait paradoxale : mon but final était de faciliter l'arrivée des Revenants et leur assaut, mais pour justifier ma présence à l'Institut, je devais mettre tout le monde sur le pied de guerre.
Je fus par conséquent soulagée de voir se poser le jet de l'Armée Noire en tout début d'après-midi. Vêtue de ma tenue en cuir noir de commandante, je patientai, le dos droit et le regard impénétrable, jusqu'à l'ouverture du plan incliné, alors que je mourrais d'envie de me jeter sur Samuel et Allan pour leur parler. Je m'avançai tranquillement tandis que les Soldats descendaient en rangs serrés.
- Rejoignez vos quartiers temporaires, ordonnai-je et tenez-vous-en aux ordres de l'agent Matthews.
- Oui, commandante, scandèrent-ils tous sans me regarder.
Je grimaçai mentalement sans rien ajouter. Inutile de leur expliquer ce qu'ils devaient faire et pourquoi. De toute façon, ils n'avaient aucun choix. Je me concentrai plutôt sur la haute silhouette de Samuel qui venait juste derrière eux.
Dans la lumière de l'après-midi reflétée par les pavés de la cour, ses cheveux brillaient d'autant plus et il était très imposant dans sa combinaison identique à la mienne.
- Le vol s'est bien passé ? interrogeai-je.
- Rien à signaler, opina mon compagnon. Qu'est-ce qui se passe ?
Mon attention fut captée par Allan qui dévalait à son tour le plan incliné. Il me fixa brièvement et je secouai la tête de façon imperceptible. Pas maintenant. Plus tard, nous pourrions parler. Il se doutait sans doute de ce qui se tramait, de toute manière.
Samuel perçut notre échange et fronça les sourcils. Je me dépêchai de reprendre le fil de la discussion.
- Un problème de sécurité majeur, l'informai-je. N.I.A a été piratée et un message des Revenants nous est parvenu. Ils comptent attaquer ici et s'en prendre au directeur.
- Je vois. Tu crois qu'ils le feront vraiment ?
- Je ne sais pas mais on ne peut pas se permettre de prendre ces avertissements par-dessus la jambe.
Le GEN écarta ses mèches blondes de devant ses yeux et plongea ses iris sombres dans les miens comme pour me sonder jusqu'au fond de mon âme – laquelle, d'ailleurs, ne devait pas être très belle à voir. Je ne me laissai pas déstabiliser pour si peu.
VOUS LISEZ
GENESIS (3)
FantasyExtrait du journal d'Allan Vallet, 2 Juin, 23h39, Hôtel des Batignolles Notes sur Ulrich Marx : Immédiatement après avoir été transformé, Ulrich Marx démontra des qualités intellectuelles exceptionnelles qui compensèrent largement sa faiblesse phys...