Chapitre 33

61 9 2
                                    


- Putain de bordel de merde, à quoi il joue cet abruti ?

Je refoulai au fond de ma gorge la liste longue comme le bras de jurons qui me vinrent à la bouche à l'annonce de ce revirement. Samuel plissa les yeux et ne masqua pas une certaine surprise nuancée d'une autre émotion que je ne l'avais jamais vu manifester à mon égard : la méfiance.

C'était ça, le truc avec les GEN. Devant les humains, nous étions indéchiffrables, mais entre nous, il était possible de parvenir à se décrypter mutuellement et à lire en l'autre plus facilement. Là, il était clair que Samuel commençait à sentir que je lui faisais des cachotteries, et ma réaction n'arrangeait rien. Je n'avais pas mentionné les Revenants dans leur totalité mais un seul personnage, en l'insultant, de surcroit. Oups.

Cependant, je fis mine de ne pas avoir remarqué l'étonnement de mon ami et lui tournai le dos avant d'écraser le bouton le plus proche du plan incliné. Celui-ci bascula pour se rouvrir aussi sec.

- Qu'est-ce que tu fais ? s'interposa Samuel en faisant un pas en avant.

- Je vais régler cette histoire, répondis-je, et faire passer l'envie aux Revenants de fourrer leur nez là où il ne faut pas. Ramène tout le monde aux Laboratoires, on se retrouve là-bas.

Le regard sombre du GEN se fit orage. Mauvaise réponse, apparemment.

- Tu comptes y aller seule ? C'est une blague ?

- Pas du tout. Je sais ce que je fais, Sam.

Ma décision pouvait paraître prétentieuse puisque je pensais pouvoir me confronter à des dizaines d'hommes de Niels sans problème, mais le fait était que j'en étais bel et bien capable. Mais surtout, j'étais face à un sacré dilemme : éveiller les soupçons de mon ami en la jouant solo ou l'entraîner avec moi et être contrainte de massacrer tout ce petit monde pour conserver ma couverture.

- Tu délire, grommela le GEN, peu amène. Pourquoi tu ne veux pas de moi pour t'aider ?

- Parce que je ne peux pas laisser le commandement de la mission à Pierre. Marx trouverait à y redire alors qu'il a confiance en tes capacités.

Sur ce coup-là, passer un peu de pommade à Samuel ne fonctionna pas du tout. Je le laissai encore en arrière pour me couvrir. Un malaise sournois s'insinua en moi et je le repoussai de mon mieux. Il y avait clairement de l'eau dans le gaz entre nous, et ce que je fis par la suite n'arrangea rien :

- N.I.A, verrouillage du pilote automatique, dis-je distinctement.

Et voilà. L'astuce infaillible pour annoncer franchement à Samuel que je n'avais pas confiance en lui, et que je préférais m'assurer qu'il ne puisse pas désobéir. A ne pas reproduire quand on veut rester cordial avec quelqu'un, notez-le bien.

J'amorçai ma descente du plan incliné en pestant contre moi-même et les circonstances.

- Luna ! s'écria pourtant Samuel. Luna, s'il te plaît. Qu'est-ce qui se passe ?

Je me retournai pour plonger dans les iris ourlées de cils épais de mon compagnon. Il y avait de la supplication dans sa voix, et un peu d'espoir aussi. Sa question n'était pas anodine et ne concernait pas uniquement la situation présente. Mais ma nature et l'entraînement d'Allan m'avaient appris à me blinder contre l'émotion, et Sam ne me fit pas céder.

- On se retrouve plus tard, lâchai-je, inflexible.

Puis, je dévalai la pente et la laissai se refermer à ma suite.

GENESIS (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant