Chapitre 8

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Retour en arrière...


Nina était allongée sur le flanc et nous tournait le dos lorsque le maire et moi-même entrâmes dans la pièce où le sérum lui avait été injecté. Allan avait changé de place pour s'adosser au mur du fond, de sorte qu'il pouvait voir le visage de la nouvelle GEN et surveiller son réveil. Il se contenta de communiquer muettement par un regard pour me signifier que tout allait bien, et je poussai un peu Duquesne en avant.

- Laissez-la revenir à elle en douceur, conseillai-je. La mutation est un traumatisme, elle pourrait être un peu perdue.

Et même nous sauter à la gorge et zigouiller tout le monde, par-dessus le marché ! Mais de cela, je préférais ne pas parler au maire qui paraissait peu assuré sur ses jambes.

La fillette remua et je vis nettement ses côtes se soulever plus fort. J'imaginai facilement ses cils papillonner dans une tentative pour protéger ses yeux de la luminosité trop forte pour ses nouveaux sens. Puis, elle prit appui sur son coude et s'assis sans émettre un son.

- Nina ? dit Allan. Nina, comment te sens-tu ?

- Ma chérie, bafouilla Duquesne que je foudroyai du regard.

La GEN se prit la tête entre les mains, toujours silencieuse puis balaya son environnement du regard. Allan tressaillit alors, sans que je ne sache pourquoi et l'ambiance, que je trouvais déjà pesante, s'alourdit encore quand elle explosa de rire sans la moindre raison. Ma main trouva par réflexe mon arme au fond de mon sac et je me préparai au pire. Et voilà, elle avait perdu la boule.

- Qu'est-ce qui lui arrive ? demanda Duquesne.

- Nina, reprit plus fermement mon ex-mentor en s'avançant vers elle. Nina, écoute-moi. Est-ce que tu peux te lever ?

Le rire se poursuivit, hystérique, pendant une dizaine de seconde avant de cesser aussi vite qu'il avait jailli. La nuque couverte de chair de poule, j'abandonnai le maire pour contourner la nouvelle GEN à mon tour. Lorsque je découvris son visage, je fus prise d'une folle envie de dégainer et de mettre un terme à cela tout de suite. Qu'avions-nous créé ?

Les traits de l'enfant étaient à présent ceux d'une femme, belle et froide comme beaucoup de GEN. Ses cheveux soyeux, bien qu'imprégnés de vomi et de sang encadraient harmonieusement son visage et, même sans la voir debout, je pouvais aisément me représenter son corps aux proportions parfaites. Elle continuerait à grandir quelques semaines durant du fait de sa mutation à un âge aussi jeune, mais elle était déjà très loin de la gamine rencontrée quelques minutes plus tôt.

Mais ce furent ses yeux qui me saisirent aux tripes, des yeux qui auraient donné à n'importe quel courageux l'envie de fuir en hurlant. Noirs, dépourvus de blanc et de distinction entre l'iris et la pupille. Profonds, liquides, tels deux billes brillantes couleur d'encre, rivé sur un point inexistant du mur.

- Allan.

Ce simple mot eut toutes les peines du monde à franchir mes lèvres et le GEN brun se rapprocha de moi. Il ne montrait rien des sentiments qui l'habitait, mais je le connaissais trop bien pour me laisser abuser : il était lui aussi horrifié par ce qui se tenait devant nous. En face de moi, Paul Duquesne s'agita sans rien dire, cloué sur place, et je m'estimai heureuse qu'il ne put voir sa fille de près, de là où il était. Il entrouvrit les lèvres sans oser demander si tout allait bien.

- Allan, répétai-je. Il faut faire quelque chose. Duquesne, restez là, ajoutai-je sèchement au maire qui amorçait un geste.

- Nina ? appela celui-ci. Nina, ça va ?

GENESIS (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant