Chapitre 20

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Je bondis par-dessus le muret et avançai à grandes enjambées vers le manoir, mais mon téléphone vibra, m'interrompant brusquement. Je le consultai d'un œil, découvrant un texto d'un numéro non-enregistré.

« Retourne-toi ».

Je fronçai les sourcils et pivotai d'un bloc jusqu'à distinguer l'imposante silhouette de mon ancien instructeur, Stone, debout près d'un arbre. Il avait attaché un sac de frappe à une branche basse qui faisait de son mieux pour ne pas se rompre sous les impacts qu'il lui infligeait, et cognait dessus de toutes ses forces. Je me dirigeai vers lui, songeant qu'il avait sans doute été averti que je voulais le voir.

Un sourire barra la face du colosse quand j'arrivai à sa hauteur.

- Je ne savais pas où te trouver, dit-il, et Nacera non plus. Alors je me suis dit que tu te débrouillerais par toi-même si tu avais vraiment besoin de moi.

- C'est le cas, opinai-je. J'ai quelque chose à te demander.

- Eh bien vas-y. Qu'est-ce que tu me veux ? Et t'abord, depuis quand est-ce que tu me tutoies ?

Le GEN me toisa, ses biceps puissants croisés sur son torse. Il mesurait bien plus de deux mètres, et je me fis l'effet d'une naine à côté de lui. Pourtant, j'étais bien placée pour savoir que le gabarit ne faisait pas tout, et que je n'avais pas à me laisser impressionner. Je n'étais plus une pauvre recrue soumise à sa loi.

- Laisse-moi réfléchir, marmonnai-je en me frottant le menton. Depuis que je suis ton supérieur hiérarchique, ainsi que celui d'à peu près tout le monde entre ces murs ?

Harvey Matthews eut une moue mi-figue mi-raisin et je réprimai un rire. Ce que je disais n'était pas faux, mais Allan ne m'avait certainement pas formée à avoir la grosse tête, et à en juger par son expression, le colosse savait que je me moquais de lui.

- Passons aux choses sérieuses, repris-je vivement. J'ai un poste pour toi. J'aimerais que tu deviennes notre nouveau chef de la sécurité.

Il y eut un silence, durant lequel nous nous fixâmes dans les yeux. Stone ne disait pas non, mais ne sautait pas de joie au plafond. Il décroisa finalement les bras et déporta son poids d'une jambe à l'autre, le visage fermé.

- Tu me crois adapté à cette fonction ? demanda-t-il avec lenteur. Mon truc c'est plutôt les groupes de jeunes incompétents qu'il faut mater s'ils se rebellent.

- Des rebelles, tu vas en avoir, si c'est ce que tu veux. Les récents événements ont montré qu'on avait pas mal de traîtres dans le coin, pas vrai ? Et puis, tu n'as plus de recrues à former.

De nouveau, je marquai une pause que Stone ne rompit pas. Mes paroles réveillaient le secret qui nous liait l'un à l'autre, et qui assurait en quelque sorte notre protection. Je savais qu'il travaillait pour Niels, et si l'envie m'avait pris de le dénoncer, il aurait pu immédiatement riposter en affirmant à Marx que j'avais été sauvée, non pas par mes capacités extraordinaires ou je-ne-savais quelle opération du Saint Esprit, mais par son pire ennemi lorsque l'on m'avait empoisonnée. Au fond des yeux du géant, je vis qu'il pensait la même chose.

- D'accord, lâcha-t-il. Je m'en charge.

- Merci. Demande à Nacera de t'assister, si besoin. Elle te sera utile.

Mon ancien instructeur répondit d'un grognement et rajusta les bandes entourant ses mains. Il avait l'air de croire que c'était tout ce que je désirais, mais je n'en avais pas fini avec lui. Je jetai un coup d'œil prudent autour de nous, relevant juste quelques GEN effectuant un jogging près du mur Sud du parc, et inspirai un bon coup.

GENESIS (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant