Chapitre 7

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Enfant, j'étais déjà venue visiter Paris. Je devais avoir dix ans, peut-être onze, mais je n'en gardais que quelques brides de souvenirs, et j'aurais été bien incapable de dire si mon frère et mes deux parents étaient avec moi à ce moment-là. Dans le fin fond de ma mémoire d'humaine, je conservais juste de images brèves de la tour Eiffel, et de Notre-Dame, mais cela n'allait pas plus loin. Si j'étais cependant sûre d'une chose, c'est de ne pas être descendue dans ce haut-lieu de la capitale, que tant de visiteurs se plaisaient à arpenter en dépit de l'esprit lugubre de l'endroit : les catacombes.

Tribal avait eu raison : les tunnels courant sous Paris, et inaccessibles aux curieux étaient loin d'être chaleureux et accueillants. Si l'on faisait fi du sol inégal, de l'humidité suintant des murs et du manque de lumière, il restait encore les niches profondes dans lesquelles grimaçaient des crânes aux orbites creuses, et qui semblaient surgir de l'obscurité à chaque intersection. J'étais peut-être un peu gonflée, me direz-vous, de critiquer ainsi les loisirs des humains, vu le nombre d'horreurs dans lesquelles j'avais moi-même été impliquée jusque-là, mais j'avais malgré tout un peu de mal avec le concept de se complaire dans la vision de tas d'os dans un souterrain. Morbide et de très mauvais gout, voilà ce que c'était !

Ouvrant la marche, je tendais devant moi mon revolver chargé et avançais sans hésitations. Le plan de notre route vers le palais du Luxembourg bien en tête, je n'avais pratiquement pas besoin de réfléchir pour choisir le chemin. Je stoppai à un croisement et tendis l'oreille. Derrière-moi, les quatre Soldats Noirs qui m'accompagnaient en plus de Tribal qui fermait la marche pilèrent en silence, attendant mes ordres. Je jetai prudemment un coup d'œil à travers d'une grille.

Celle-ci donnait directement sur une zone de visite, beaucoup mieux aménagée que le circuit parallèle dont je devais me contenter. Immobile comme une ombre, j'avisai le gardien assis sur sa chaise d'un air maussade. Un couple de touristes s'extasia alors devant une sorte de rond-point en os qu'ils prirent en photo au moins dix fois, et après leur avoir grogné de ne pas utiliser le flash de leur appareil, le gardien se rassit et sortit son téléphone. Il était loin de faire chaud dans ce tunnel, et croupir ici ne réjouissait visiblement pas le pauvre homme. Le couple s'éloigna et je fis signe à mes Soldats d'avancer.

Lorsque deux autres chemins possibles se présentèrent, je consultai ma montre et repensai à notre itinéraire. D'ici quinze minutes environ, nous serions sur place poser la bombe. Je portai la main à mon oreillette pour m'assurer que tout allait bien pour Samuel. Il avait été décidé que seuls de petits groupes de Soldats Noirs participeraient à l'opération, soit une dizaine au total, ce qui était largement assez quand on devait se déplacer sans laisser de trace dans la principale ville de France, et en plein jour qui plus est. A la suite des évènements de la veille, le gouvernement avait sans doute décrété des mesures de protection et de surveillance renforcée. Le reste de l'Armée avait donc quitté Paris en jet avec Richard Simon qui devait conduire une autre mission sous mon autorité.

- Samuel ? dis-je dans un murmure léger. Tu me reçois ?

- Cinq sur cinq, fit aussitôt la voix familière. Tout se passe comme prévu, on a juste été retardés de quelques minutes par des touristes. On sera sur place dans quinze minutes, je dirais.

- Très bien, attends mon signal pour la pose de la bombe. Ensuite, on aura une minute trente pour ne plus être dans les parages avant qu'elle n'explose.

- Tu penses que sa puissance pourrait ébranler la structure des catacombes ?

Je l'entendis marmonner quelque chose à l'intention de son équipe avant que je ne formule une réponse :

GENESIS (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant