Le « ding » de l'ascenseur vint rompre le silence seulement entrecoupé par le souffle irrégulier d'Amanda et j'en sortis rapidement pour longer le couloir de l'ancienne zone des Déformés. Cette dernière était vide depuis le transfert de ses occupants aux Laboratoires Bollart dans le but de les faire participer à un programme de réhabilitation : une idée brillante consistant à en faire des bombes à retardement et à les lâcher sur le terrain. En dépit du peu de lumière, je me dirigeai sans mal vers l'unique cellule véritablement éclairée et y entrai en trombes, Amanda aussi flasque qu'un pantin entre mes bras.
Le docteur Malcolm n'avait pas chômé. L'espace habituellement meublé d'un simple lit en fer fixé au sol, de toilettes et d'une douche sans la moindre intimité était désormais envahi d'un gros lit médicalisé relié à tout un tas d'appareils, et de mallettes contenant du matériel de chirurgie, qui, je l'espérais, ne serait peut-être pas utile. Cependant, je savais que le lit n'avait pas pu passer par la cabine de l'ascenseur, et imaginer Irina le trimbaler sur son épaule dans la cage d'escalier avait quelque chose de risible.
- Installez-la sur le lit, me lança la doctoresse, coupant court à toute envie de sourire. Vous savez poser un cathéter, je suppose ?
J'opinai du chef et déposai délicatement Amanda sur le matelas. Elle gémit doucement et s'efforça de m'aider à retirer la couverture. De grands cernes noirs entouraient ses yeux. Après quoi, je me mis à l'ouvrage avec calme.
Tout en descendant vers la zone des Déformés, j'avais repris le contrôle de moi-même et commencé à élaborer des plans pour sauver mon amie. Pour l'heure, elle avait besoin de soins, et le docteur Malcolm allait les lui fournir, mais ensuite, je pourrais la faire sortir de l'Institut et tenir ma promesse. J'avais juré à Tribal de veiller sur elle et le bébé.
Irina ne fit pas le moindre commentaire devant la tenue trempée de sang et d'eau de la GEN Noire mais ne put retenir un mouvement de recul à la vue de son ventre – et je comprenais bien pourquoi, étant donné le dégout que cela m'inspirait. Tout ceci avant un côté contre-nature. Les GEN n'étaient pas faits pour enfanter, c'était inscrit dans mon ADN mutant, et donc dans mes instincts. L'idée de ne jamais être mère ne me perturbait pas du tout, mais l'inverse, si.
- Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? voulus-je savoir en mettant la perfusion en place.
- Un mélange d'antispasmodiques que j'espère appropriés pour ce genre de cas. J'ai des connaissances gynécologiques de base, mais je n'ai encore jamais rien vécu de concret, marmonna la doctoresse occupée à rapprocher l'échographe.
Amanda laissa échapper une nouvelle plainte et je vérifiai que le liquide s'écoulait bien dans le tuyau relié à son bras. Irina s'empressa de remonter le haut de la jeune GEN pour lui barbouiller le ventre d'un gel bleu et brandit une boule blanche reliée à la machine. Elle avait renfilé sa blouse et ramassé ses cheveux en chignon strict.
- Enlevez-lui son pantalon, m'intima-t-elle. Je dois l'examiner.
Autant pour la pudeur, mais Amanda ne protesta pas, le visage crispé. Quant à moi, j'avais perdu au fil de mon entraînement toute gêne concernant le corps des autres et le mien. Lorsqu'on était en mission et qu'un GEN se blessait, il n'y avait pas de place pour l'hésitation, quel que fut l'endroit concerné. Et étant donné le degré de perfection atteint par ceux de ma race, nul n'avait de quoi avoir honte dans son apparence physique.
Irina Malcolm ausculta mon amie sous toutes les coutures, un rictus concentré sur les traits. Je me contentai de regarder en serrant les doigts d'Amanda qui commençait à se détendre. Apparemment, le bébé avait abandonné ses projets de fuite immédiate.
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GENESIS (3)
FantasiExtrait du journal d'Allan Vallet, 2 Juin, 23h39, Hôtel des Batignolles Notes sur Ulrich Marx : Immédiatement après avoir été transformé, Ulrich Marx démontra des qualités intellectuelles exceptionnelles qui compensèrent largement sa faiblesse phys...