Retour en arrière...
Réveillée par la sonnerie de mon portable, je tendis la main sous la couette, tâtai la place habituelle de Samuel dans le lit, et me souvint finalement qu'il n'était pas avec moi. Je grimaçai, les yeux fermés, au contact du drap lisse et froid, avant de rouler sur le dos pour m'étirer. Ensuite, seulement, je soulevai les paupières et observa le plafond blanc dans la douce lumière du jour.
Il était sept heures du matin, mais le soleil s'était levé bien plus tôt que cela, en ce mois de juillet. Je m'assis sur le matelas ferme et épais, repoussant les couvertures, et me dirigeai sans attendre vers la salle de bain attenante. La chambre d'hôtel bénéficiait de tout le confort, et j'avais déjà testé les jets massant la veille.
Devant le miroir, j'enfilai rapidement un pantalon slim couleur corail, un chemisier blanc sans manche au tissu fluide, et avisai mes escarpins posés au pied du lit. En dépit de la chaleur ambiante en ce mois de juin caniculaire, une tenue correcte était de mise pour le rendez-vous auquel je devais assister dans la matinée. Je peignai ma crinière sombre à l'aide de mes doigts tout en regardant mon reflet droit dans les yeux.
L'avantage d'être une GEN, c'était que j'étais dispensée des petits tracas matinaux des humains – à savoir les yeux pochés, le teint blafard, les cheveux tous droits sur la tête et l'haleine douteuse. A moins de sauter la case du lavage des dents pendant toute une semaine et de manger matin-midi-soir une gousse d'ail et du fromage malodorant, il était presque impossible pour l'un des miens d'incommoder quelqu'un en ouvrant la bouche... Mais tout ceci n'avait pas d'importance, car je ne me souvenais de toute manière pratiquement plus de ce qu'était être humaine. J'étais désormais incapable de me projeter dans cet ancien corps, de me rappeler ce que j'avais ressenti dans cette autre vie, si lointaine et si floue. M'emparant d'un élastique sur le rebord du lavabo, je chassai mes pensées et commençait à tresser mes cheveux sur mon épaule droite.
On frappa à la porte et j'autorisai la personne à entrer sans même tourner la tête.
- Salut, Allan. Déjà levé ? m'enquis-je sans interrompre ma tâche.
Mon ex-mentor s'appuya nonchalamment contre la chambranle de la salle de bain et je scrutai son visage, moqueuse.
- Dis donc, tu as fini par apprendre à tailler ta barbe, ou je rêve ? Il était temps, à ton âge !
Allan, vêtu d'un jean près du corps, d'une chemise à carreaux et d'une veste de costume noire, s'autorisa un de ses rares sourires qui illumina ses yeux glacés. A la fois décontracté et incroyablement élégant, il me tourna le dos pour aller s'asseoir sur mon lit, comme si ma pique ne l'atteignait pas.
- Je trouve que tu as la langue bien pendue, ces derniers temps, commenta-t-il.
- Ça, fis-je avec fatalité, c'est depuis que j'ai accepté de te tutoyer. Il fallait penser aux conséquences avant de me demander de le faire.
- Si j'avais su...
Je ris et attachai à mon poignet une montre sobre, décidant que je n'avais pas besoin de me maquiller. Ajouter encore à mon charisme naturel n'était pas spécialement une bonne idée si je ne voulais pas voir mes futurs interlocuteurs se transformer en chiens dégoulinants de bave devant moi – s'ils ne s'évanouissaient pas. Cela fait, je retournai dans la chambre pour récupérer mes chaussures.
La pièce était carrée, relativement grande et tout confort. Meublée d'un lit XXL, d'une armoire et d'une table de nuit en bois clair, elle était agréable et lumineuse, agrémentée de rideaux en voile léger. Des lattes de parquet et un gros tapis près du lit complétaient l'ensemble, en plus de la porte-fenêtre donnant sur un balcon. Je rabattis vivement la couette, histoire de dire que j'avais fait mon lit.
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GENESIS (3)
FantasyExtrait du journal d'Allan Vallet, 2 Juin, 23h39, Hôtel des Batignolles Notes sur Ulrich Marx : Immédiatement après avoir été transformé, Ulrich Marx démontra des qualités intellectuelles exceptionnelles qui compensèrent largement sa faiblesse phys...