J'émergeai hors du laboratoire et inspirai à longs trait. Il faisait nuit noire, et je remarquai que le ciel s'était couvert d'épais nuages masquant même la lune. Je maîtrisai l'envie dévorante que j'avais de mettre la première partie de mon plan à exécution immédiatement et pris le chemin du manoir. Le docteur Malcolm ne semblait certes pas me penser responsable de quoi que ce fut, mais il aurait été stupide de ma part de tenter le diable et d'attirer l'attention sur moi. Ce que j'avais à faire attendrait le matin.
Je pénétrai tranquillement dans la bâtisse de pierre où les agents logeaient, et grimpai l'escalier. Nul ne m'arrêta et je m'en félicitai. Je ne me faisais aucune illusion : on m'avait vue transporter Amanda en catastrophe hors du manoir, mais l'avantage de la crainte que j'inspirais à tout le monde ou presque, c'était que personne n'osait me questionner à ce sujet. J'étais suffisamment proche du directeur pour que l'on ait peur pour sa vie en venant me gratter là où il ne fallait pas. Les GEN qui me croisèrent se contentèrent donc d'un simple salut de la tête.
Une fois à l'étage, j'entrai dans ma chambre et refermai soigneusement derrière moi. Après quoi, je retirai le peu de vêtements avec lesquels j'étais partie des Laboratoires Bollart et me glissai dans mon lit sans la moindre envie de dormir. Les yeux grands ouverts, je commençai à fixer le plafond.
***
L'avantage avec l'été, c'est que le soleil se lève tôt. Il n'était que cinq heures du matin lorsque je balançai les jambes par-dessus le matelas. L'attente m'avait parue interminable, cependant, je pris le temps d'une douche rapide avant de sortir, habillée d'un jogging et les pieds enfoncés dans des baskets comme pour un jogging matinal. Plus j'aurais l'air naturelle et mieux ce serait.
Je parcourus en sens inverse le couloir des chambres et dévalai l'escalier. Le petit déjeuner ne serait pas servi tout de suite, ce qui me laissait la marge nécessaire, et en débouchant dans le parc de l'Institut, je me sentis presque calme. Je débutai mon entraînement – dont personne ne s'étonnerait en dépit de l'heure, car j'avais pour habitude d'être dehors avant tout le monde – par quelques foulées entre les arbres et une bonne série d'étirements. Puis, un air aussi normal que possible plaqué sur le visage, j'obliquai vers le muret écroulé au fond du parc et fonçai dans les bois à vive allure. J'arrivai à la Cascade en un rien de temps et sans une goutte de sueur.
Je m'assis dans l'herbe, au bord de la falaise et croisai les jambes. Bien. J'allais pouvoir me lancer.
Je sortis alors de mes poches un portable cabossé et l'allumai. Il n'était pas de première jeunesse, mais je m'en fichais pas mal parce qu'il comprenait P.I.A, l'ancêtre du programme d'intelligence artificielle utilisé par Marx. C'était Geb qui m'avait fourni cet appareil – bien avant de perdre la boule – et il m'avait montré les fonctions de base. Je n'étais pas aussi bonne informaticienne que son petit ami Ismaël, mais je saurais me débrouiller.
Je posai un second portable, à clapet celui-ci, à proximité du premier. C'était celui avec lequel j'avais permis à Albert Niels de contacter Allan pour me fournir sa réponse. Je possédais logiquement un numéro auquel rappeler si je désirais parler aux Revenants, mais Niels avait pris la précaution de le masquer et de dissimuler au mieux toute trace de communication. Et là, P.I.A prenait toute son importance.
Excepté peut-être son incapacité à s'exprimer oralement, P.I.A était aussi efficace que sa petite sœur, mais bénéficiait d'un avantage de taille dont Ismaël m'avait parlé. Les serveurs qui en étaient équipés se retrouvaient totalement coupés de ceux fonctionnant avec N.I.A du fait de l'indépendance de l'ancienne version. En clair, il était impossible à quelqu'un travaillant pour l'Institut de tracer un portable équipé par l'ancien programme, alors que l'inverse n'était pas vrai. Mais, ça, presque personne ne le savait, car on avait relégué P.I.A aux oubliettes. C'est vrai, qui aurait eu besoin de cette intelligence artificielle obsolète ? Puisque l'on ne s'en servait plus, pourquoi protéger le nouveau programme contre l'ancien ?
VOUS LISEZ
GENESIS (3)
FantasyExtrait du journal d'Allan Vallet, 2 Juin, 23h39, Hôtel des Batignolles Notes sur Ulrich Marx : Immédiatement après avoir été transformé, Ulrich Marx démontra des qualités intellectuelles exceptionnelles qui compensèrent largement sa faiblesse phys...