Mull Yard, frontière au nord-est.
Cela faisait deux jours que Hork Armah chevauchait vers la frontière d'Isgard. Il n'avait fait que monter et descendre des collines abruptes, et la fatigue commençait à se faire sentir aussi bien dans son esprit que dans son corps. Le chevalier se préoccupa de son cheval qui était mal en point et décida de faire une pause au niveau d'un petit cours d'eau.
— Nous allons pouvoir nous désaltérer ici ! lança-t-il à sa monture qui pencha sa tête sur le côté et pointa ses oreilles en avant comme pour approuver cet arrêt.
Après avoir plongé son visage dans l'eau fraiche durant de longues minutes, Hork regarda l'immense butte verte qui se dressait devant lui.
— Le royaume de Théodoros Kårde se trouve juste derrière ce mont ! dit-il à son cheval qui était en train de paitre.
— C'est ça ! Ignore-moi... comme si tu allais me répondre, rit le chevalier en s'avançant vers les hauteurs.
Hork ne voyait rien d'autre qu'une pente herbeuse montante jusqu'à une crête plate et, au-delà le ciel gris traversé par des groupes de corbeaux.
Le chevalier mit plus de cinq minutes à atteindre le haut de la butte et, quand il parvint enfin au sommet, il découvrit un magnifique panorama. Sur sa gauche, il y avait des cimes rocheuses avec de la neige accrochées à leurs reliefs. Sur sa droite, des pentes couvertes de sapins et des pics noirs s'étiraient aussi loin que pouvait porter le regard. Et droit devant lui, s'étendaient à perte de vue de grandes plaines couvertes de bruyères, puis des champs de toutes les couleurs. La province Mendoza se dévoilait entièrement à Hork, splendide et généreuse, malgré le temps maussade.
Le chevalier se posa dans l'herbe grasse pour profiter de la vue et réfléchir à sa mission. Mille pensées plus violentes les unes que les autres lui passèrent par la tête concernant le prince Ajay Hawn. Quelques temps auparavant, le bras droit du roi de Mull yard avait découvert que des populations entières de villages de la province d'Enkirach disparaissaient dans de mystérieuses circonstances et que le fils de Rajan Hawn était au courant, sans toutefois ne jamais intervenir ou prévenir quiconque de la situation. Après une longue enquête faite en secret, Hork avait dû se résoudre à voir la vérité en face : le prince de mull Yard était de connivence avec un sorcier, et c'est le cœur meurtri qu'il avait dû annoncer la terrible nouvelle à son souverain
Au début, le roi de Mull Yard ne croyait pas Hork mais devant les preuves et les faits, il avait fini par accepter l'impensable. Par crainte de représailles maléfiques à son palais ou d'un projet funeste de mages noirs à plus grande envergure, Rajan avait ordonnait à son fidèle bras droit d'aller prévenir immédiatement Théodoros Kårde de la situation.
« Prend mon anneau royal ! Il te vaudra sauf-conduit, et raconte toute l'histoire au roi d'Isgard. Mon ami te connait fort bien, et saura comment agir. » avait dit le monarque solennellement.
Voilà qu'elle était la mission de Hork Armah : foncer sans regarder en arrière et rencontrer le souverain Kårde au plus vite pour tout lui révéler de cette délicate affaire.
Le chevalier se redressa et scruta la région. Il se passa la main dans ses cheveux fillasses puis sur son front marqué de deux rides profondes, signe d'intense réflexion. Hork savait que le palais du roi Kårde se trouvait à plus de cent lieues au nord-est. Même en prenant la grande route commerciale fortifiée qui traversait tout le royaume d'Isgard et en changeant de monture régulièrement, il lui faudrait plusieurs jours pour parvenir à son but sans être sûr d'y voir Théodoros. Le temps pressait, et le chevalier Armah ne pouvait se permettre aucune erreur car les enjeux étaient trop importants.
Le meilleur choix que pouvait faire le bras droit de Rajan Hawn était qu'il aille jusqu'au château du seigneur Isaak, situé à une demi-journée de cheval vers l'est. De là-bas et en sécurité, Hork enverrait un message par pigeon au roi d'Isgard puis méditerait à la meilleure conduite à adopter. Soit attendre une réponse de Théodoros Kårde, poursuivre sa route ou retourner auprès de son souverain.
Alors que le chevalier gambergeait, il remarqua une chose anormale dans le ciel. De nombreux corbeaux se réunissaient au-dessus de lui. Rapidement, les oiseaux formèrent une nuée compacte et menaçante.
« Ce... ce n'est pas possible ! », se dit-il.
Quand Hork comprit ce qu'il se tramait, il était déjà trop tard. La masse noire fondit sur lui, et le malheureux n'eut pas le temps de se mettre à couvert.
Le chevalier n'avait d'autre choix que de se rouler en boule pour se protéger mais les volatiles furieux et acharnés s'agglutinèrent sur lui, puis le frappèrent à grand coup de bec sans relâche. Au début, Hork encaissa les coups mais très vite la souffrance fut insupportable.
Après quelques minutes d'attaques incessantes, le chevalier sentit que ses forces se dissipaient et qu'il était sur le point de mourir. Il avait accepté l'idée de l'inéluctable, ce n'était plus qu'une question de quelques secondes. Dans un ultime effort, tremblant et ensanglanté, il se redressa pour s'offrir à ses bourreaux.
« J'ai échoué... maintenant, que va-t-il advenir de moi dans l'autre monde ? », pleura Hork.
Soudain, il y eut un noir, une sensation d'absence puis de délivrance de la douleur. Le fidèle bras droit du roi de Mull Yard s'en était allé avec courage et dignité.
Dans un silence funeste, les corbeaux finirent par se disperser en laissant le corps sans vie de leur victime dévaler le long de la pente. La dépouille désarticulée du chevalier roula sur elle-même, durant plus d'une minute, et termina sa folle course au pied de la butte.
L'âme de Hork Armah reposerait à tout jamais à Isgard car même si la mort l'avait frappé de la plus horrible des façons, le valeureux chevalier avait bel et bien réussi à fouler les terres d'Isgard et son esprit demeurait dès lors toujours en ces lieux.
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Princesse Ania - Menace sur Angard - Tome 1
FantasyAnia, la princesse du royaume d'Isgard, fille de Théodoros et Thelma Kårde, vit sous la malédiction de la sorcière Iorga depuis sa naissance. Elle n'a ni la parole ni de sens, et seule la vue lui permet de garder contact avec le monde qui l'entoure...