CHAPITRE XIV - Troubles intérieurs - Partie 1

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Isgard, au palais de la famille royale Kårde.



Depuis plusieurs journées, par tous les moyens, Argos avait essayé de comprendre l'attitude de la princesse d'Isgard et l'interaction qu'elle avait eue avec l'écaille de dragon sur la caravelle volante du Rodrigue Rovérez. Depuis sa naissance, à cause de la perte de ses sens, Ania n'avait jamais réagir de la sorte à un quelconque objet ou stimuli particulier d'où l'opiniâtreté du vieux sage à trouver l'origine de cette saisissante et inattendue réaction.

Le mage, qui possédait secrètement des morceaux de peau de cracheurs de feu, les avait même mis entre les mains d'Ania pour recréer la situation qu'elle avait vécue quelques jours auparavant. Au grand dam d'Argos, les écailles n'eurent aucun effet sur la princesse et le vieil homme dut conclure qu'il faisait vraisemblablement fausse route.

Argos, n'ayant rien solutionné et se trouvant dans l'impasse, décida en finalité de garder le silence sur cet étrange événement qui concernait Ania, sauf si cela devait à nouveau se reproduire. Il informa Ordos, Aquila et Serina de sa décision, puis leur fit promettre de se taire tant que cette histoire n'avait pas été élucidée.

Malgré une profonde déception, le vieux sage ne se laissa pas abattre. Très vite, il se remit au travail dans son laboratoire sur divers projets qui lui tenaient à cœur, tout en gardant à l'esprit ce nouveau morceau de puzzle qui venait se rajouter à déjà une très longue liste.


°°°


Un matin, une énorme et sourde déflagration retentit dans le laboratoire d'Argos. Les vitres du bâtiment tremblèrent, et la porte s'ouvrit à la volée laissant une épaisse émanation verte se rependre à l'extérieur. Le mage s'extirpa de la bâtisse enfumée, en moulinant des bras et hurlant de gros jurons.

– Nom d'un moloch effarouché... bouse puante de watusi... bave dendrobatidae ! vociférait Argos en toussotant.

L'explosion se fit entendre jusqu'à la caserne, et les archers qui étaient en plein entrainement de tir à l'arc arrêtèrent subitement leurs exercices.

— Ne vous laissez pas distraire ! Reprenez vos activités, cria le chevalier Hérodias aux soldats qu'il supervisait. C'est probablement notre mage qui fait une nouvelle expérience.

Ordos, qui s'occupait de son cheval à l'écurie, perçut lui aussi la détonation et se précipita vers la caserne aux pas de course.

Le géant Manzy arriva inquiet près du bâtiment militaire mais ne constata rien d'anormal. Il fut aussitôt rejoint par son ami Hérodias qu'il interpela :

— Tu as entendu aussi ce coup de tonner...

— Même un sourd l'aurait perçu.

Les deux chevaliers regardèrent autour d'eux puis remarquèrent que près de la fauconnerie, une fumée verdâtre s'élever dans le ciel.

— Tu penses à la même chose que moi, lança Hérodias à son frère d'armes en souriant.

— Ça vient du laboratoire d'Argos, grommela Ordos. Qu'est-ce qu'il a encore fait ce vieux fou ?

— Allons le découvrir !

Les deux jeunes hommes traversèrent le manège des chevaux et suivirent une petite allée gravillonnée qui amenait au côté droit du palais. Ils franchirent un rempart par une porte dérobée puis arrivèrent dans la cour pavée à l'arrière du bâtiment. Juste sur leur droite, il y avait la fauconnerie et l'atelier du mage Argos. Ce dernier était assis sur un banc, en train de reprendre sa respiration.

— Eh bin ! s'exclamèrent les chevaliers en observant le panache vert foncé qui s'échappait du laboratoire.

— Vous ne chercheriez pas à détruire tout le palais... par hasard ? dit Ordos avec une pointe de moquerie.

— Je n'ai que faire de vos petites plaisanteries ! marmonna le vieux sage.

— C'est quoi cette fumée verte ? demanda Hérodias, curieux et amusé.

— Aaaahhhh ! fulmina Argos. C'est à cause d'une potion ratée... surement un mauvais dosage.

— Je vous croyais bon en mathématique, pouffa de rire le géant Manzy.

— Ordos ! La prochaine formule magique que j'élabore, gronda le mage. C'est pour vous transformer en crapaud.

L'impressionnant chevalier fit mine de trembler et prit une voix délicate pour s'exprimer :

— Oh non ! Pas en crapaud... pas en crapaud.

— En batracien boutonneux, tu séduiras peut-être une princesse qui voudra bien t'embrasser ! rit Hérodias.

— Hahaha... je pense que de nous deux, c'est quand même moi qui ai réalisé le plus de conquêtes.

— Personne dans le royaume d'Isgard ne peut concurrencer ce superbe corps et cette magnifique chevelure ambrée. N'est-ce pas mon grand blondinet ?

— Jaloux.

Les deux chevaliers eurent un fou rire à se tordre en deux.

— Vous vous croyez dans un salon de thé ! rouspéta Argos en tapant du pied. Venez plutôt m'aider à ranger mon laboratoire.

Après avoir chambré le mage, les jeunes hommes le suivirent dans son antre.

— Calmez-vous ! sourit Hérodias. Ce n'est pas bon pour votre cœur de vous énerver.

Argos haussa les épaules de façon désinvolte puis ouvrit une fenêtre pour dissiper le brouillard olivâtre en suspension dans la pièce principale. Après quelques minutes d'aération, les chevaliers purent y voir plus clair et ils découvrirent un endroit aussi étrange qu'étonnant qui était divisé en deux parties bien distinctes.

Sur leur droite, le long du mur jauni et craquelé, se dressait une énorme bibliothèque remplie d'une multitude d'anciens livres, de grimoires et de vieux ouvrages à reliure en cuir. Juste à côté, un robuste bureau en chêne massif s'imposait. Il y trainait dessus pêle-mêle, des parchemins, des notes, des cartes du royaume et une vieille lampe à huile. Un grand tableau noir en ardoise, où il était écrit à la craie moult formules incompréhensibles, vagabondait dans un coin. Enfin, de nombreux petits coffres remplis d'objets bizarres jonchaient le sol poussiéreux et des artefacts en terre cuite s'empilaient les uns sur les autres. Sur leur gauche, Ordos et Hérodias remarquèrent deux tables carrelées et devinèrent immédiatement celle où le mage avait fait son expérience.

Une des tables était garnie de tubes à essai disposés par tailles de grandeur, de bocaux pleins d'ingrédients rares et de fioles de toutes les couleurs placées méthodologiquement sur des petites étagères, tandis que l'autre avait subi un vrai cataclysme suite à l'explosion : les carreaux de faïence étaient tous fendus ou brisés, la crédence avait en partie brûlée et des taches vertes dégoulinantes se trouvaient un peu partout sur l'établi.

— Quel carnage ! soupira Argos en grimaçant. Tous mes flacons ont littéralement éclaté.

Princesse Ania - Menace sur Angard - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant