CHAPITRE XV - La guerre des Dragons - Partie 3

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Chaque enfant retenait sa respiration. Dans la forge, le silence était de plus en plus oppressant.

— La guerre des dragons contre les hommes continua de s'étendre jour après jour, obligeant les derniers Arguanaunes survivants à réagir. Ces derniers se rendirent au palais d'Antorin et firent allégeance au vieux monarque qui fut au départ terrorisé par cette visite singulière. Les dragons jaunes, clairvoyants et qui avaient appris le langage des hommes depuis longtemps, purent expliquer aisément à la cour royale la façon dont ils souhaitaient soutenir les Antorinois dans leur affrontement contre leurs effroyables ennemis.

« Les Arguanaunes étaient prêts à révéler tous leurs secrets aux individus courageux et assez fous pour devenir d'hardis chasseurs de dragons. Ces derniers proposèrent de devenir la monture de chaque guerrier formé à l'extinction des Arguannoirs. L'assemblée royale d'Antorin accepta l'idée de créer une confrérie de dix dragons jaunes unis à des combattants prêts à en découdre avec des cracheurs de feux oppresseurs. Sorguai Rovérez, le prince d'Antorin, se proposa pour devenir l'un de ces chasseurs et dévoila une liste de chevaliers ou de princes, tous aussi braves qu'expérimentés, prêts à le suivre dans son combat pour sauver Angard. C'est ainsi que naquit, dans cette sombre période de guerre, la communauté des dix.

« Sorguai eut le privilège d'apprendre chaque mystère sur les deux races de dragons qui coexistaient à Arguan et découvrit les différentes façons dont les hommes pouvait les annihiler, tandis que les neufs autres guerriers élus furent réunis en secret dans une vallée où ils apprirent à voler sur les Arguanaunes puis à maitriser toutes les techniques de chasses ou de combats en hautes voltiges.

Les enfants, des étoiles plein les yeux, étaient émerveillés et s'imaginaient déjà en train de voler sur un dragon.

— En peu de temps, la communauté des dix fut prête pour le combat. La confrérie commença d'abord par mener des frappes nocturnes contre des Arguannoirs solitaires. Par la suite, elle secourut les dernières armées, postées aux frontières d'Isgard, qui tentaient d'empêcher l'avancée des dragons noirs. Le prince Théodoros Kårde, engagé dans la communauté des dix, défendit avec rage les terres de ses aïeuls durant de nombreux jours. Les attaques furent violentes et funestes, mais les guerriers de Sorguai réussirent à supprimer un à un les Arguannoirs grâce à un armement fait en Okiar.

« Cet alliage de métaux rares était fatal pour les cracheurs de feux qui s'empoisonnaient à son contact. Seuls, les Arguanaunes et Sorguai connaissaient la composition de cet amalgame. La fabrication d'armes en Okiar dans les fonderies d'Antorin, puis leurs profusions auprès des troupes furent décisives dans le dénouement du conflit.

« En quelques semaines, les dragons noirs perdirent beaucoup de batailles et subirent de lourdes pertes. De son côté, Magyar disparut sans que quiconque ne puisse le capturer. Sans leur meneur, les cracheurs de feux despotiques furent dans l'obligation d'abdiquer et abandonnèrent les royaumes de Pandorus et de Zontyru. Vaincus, les Arguannoirs retournèrent dans leur région volcanique pour ne plus jamais s'attaquer aux hommes.

Archibald Jarl observa son auditoire coi. Le vieil homme toussa dans sa paume, se racla la gorge puis termina son récit :

— Le roi d'Avaniar retrouva son trône et le peuple de Pandorus reprit la possession de ses biens. Des fêtes s'organisèrent, un peu partout, dans de nombreux royaumes, et on ne parla plus que de Sorguai, le chasseur de dragons et sauveur des terres d'Angard. Le prince Rovérez regagna Antorin pour y devenir le nouveau roi, tandis que les neufs autres guerriers rejoignirent leurs pays respectifs. La confrérie fut dissoute et les derniers Arguanaunes décidèrent de ne plus jamais retourner à Arguan. Ils jurèrent de chercher sans relâche Magyar, pour lever le mystère sur cette pierre maléfique si nuisible pour leur espèce.

« Trente ans ont passé, et encore à l'heure d'aujourd'hui, on ne sait pas ce qu'il est advenu des dragons jaunes. Ce qui est sûr, c'est que les Arguannoirs n'ont plus jamais fait parler d'eux.

Des applaudissements retentirent dans la forge. Archibald Jarl quitta son fauteuil à bascule puis salua chaque enfant, pendant que les parents lui serraient la main ou le félicitaient pour ses talents de conteur.

Après quelques minutes d'accolade, le forgeron rouvrit sa lourde porte puis invita son public à quitter le bâtiment, en n'oubliant pas de proposer aux mômes de revenir pour une prochaine séance de conte. Il regarda avec tendresse les familles se disperser dans la rue inondée de soleil et entièrement fleurie, lorsqu'une petite fille lui tira la manche.

— Archibald ! dit-elle. Est-ce que les dragons sont des dieux ?

Le vieillard se gratta le front, la mine égarée.

— Les cracheurs de feu sont beaucoup de choses... mais certainement pas des dieux ! Aussi impressionnants soient-ils, les dragons demeurent mortels. Ce sont des créatures d'Angard au même titre que nous ou qu'une simple fourmi.

— Pourtant certaine personnes les vénèrent comme des divinités, s'exclama la mère de la fillette.

Archibald Jarl acquiesça.

— En effet... des fanatiques les honorent, les sacralisent et bâtissent même des temples en leur nom.

— Comment peut-on aimer et célébrer des êtres aussi abjects qui ont voulu la destruction de notre monde ? s'offusqua la maman en serrant fort sa fille contre elle.

Le vieux forgeron balaya du regard la rue commerçante bondée de monde.

— Si de pauvres fous idolâtrent les Arguannoirs, lança-t-il en pointa du doigt au hasard différentes personnes qui se promenaient. C'est à cause de lui... et elle... ou encore lui ! En fait, c'est de notre faute à tous. Nous avons effacé de notre mémoire collective depuis de nombreux siècles les dieux de la création si bien que nous ne savons plus rien d'eux. Nous nous croyons tout puissants à Angard, et en omettant de plein gré nos croyances et nos espérances... en dédaignant les autres peuples, les créatures mythiques ainsi que leur monde magique, nous avons laissé un grand vide spirituel qui a été remplacé par l'occulte et la malfaisance. Les dragons ne sont pas des dieux, mais ils pourraient très bien le devenir un jour à cause du comportement des hommes.

— Je comprends ! dit timidement la femme qui ne semblait pas enclin à vouloir débattre avec le vieux forgeron.

Cette dernière s'éloigna avec son enfant sans dire un mot, et Archibald Jarl, le regard amer, fixa le ciel.

— Pourvu que les dragons ne reviennent jamais, soupira-t-il. Pourvu...


Princesse Ania - Menace sur Angard - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant