Chapitre 9

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Je n'ai pas rêvé. Deux ailes sortes de mon dos. Aussi longues que larges, elles débouchent directement de mes omoplates pour s'étendre sur deux, voir trois mètres de diamètre, occupant ainsi tout l'espace dans mon petit lit. La lumière de la lune fait briller ses plumes lisses dont le gris paraît plus doux, plus clair. Un élan de douleur remonte le long de ma colonne vertébral, m'arrachant un plainte sourde. Soudain, je relève la tête dans un sursaut. Mes colocataires! Elles ont forcément entendu mes cris de douleur et d'ailleurs, si ils ont été aussi bruyant que dans mon rêve je peux être sûre d'avoir réveiller tout l'établissement!Mais mon regard ne rencontre personne et je commence à douter. Sont-elles rentrées dans la chambre aujourd'hui? Je n'en ai aucune idée, j'étais bien occupée à broyer du noir... Mes yeux se posent de nouveau sur mon dos, qu'est-ce que je vais faire maintenant? À cette pensée la panic jusque là refoulée commence à me gagner. Je ferme les yeux et me mords violemment l'intérieur de la joue jusqu'à ce que le goût du sang emplisse ma bouche. Je ne peut vraiment pas descendre chercher la directrice ou son adjointe pour leur demander conseille sur mon état. Ni le coach qui quant à lui voudrait probablement me faire sauter du toit pour tester ma capacité de vol, à moins qu'il ne m'assomme avant en pensant qu'un oiseau gigantesque et complètement meurtrier s'est introduit dans sa chambre. Je pourrais essayer de fuguer mais... pour aller où? Je n'ai ni argent, ni famille, ni amis chez qui me réfugier. Et bien-sûr, il est hors-de-question de rejoindre la civilisation dans mon état. Le visage excédé de John me revient soudain en mémoire en même temps que ses paroles <<Et pour ce qui est de voler, tu n'en est pas encore capable mais ne t'inquiète pas c'est pour bientôt!>> Je serre les dents et tente tant bien que mal de me relever mais à peine mon pied est-il entré en contact avec le sol qu'une douleur fulgurante secoue mon corps tout entier. Je me fige et laisse passer quelques secondes avant de poser mon deuxième pied sur le sol, cette fois-ci, la douleur est légèrement atténuée. Je commence à traverser la chambre à pas hésitants, chaque mouvement menace de me faire tomber mais je suis déterminée. Je veux des réponses et je sais où les trouver.

Je colle mon oreille contre la porte de la chambre mais aucun son ne me parvient, j'ouvre alors la porte lentement, très lentement pour ne pas la faire grincer. Une fois l'ouverture assez grande pour que j'y passe ma tête, je jette un coup d'oeil rapide au couloir mais à l'extérieur, c'est le calme plat. Je fais un premier pas hésitant sur le parquet qui tapisse le couloir puis je m'avance à petits foulées vers les escaliers. Ce n'est que quand mon pied nu se pose sur la première marche que je réalise l'énormité de la situation. Qu'est-ce qui se passerait si un résident sortait de sa chambre maintenant? Qu'il me voyait? Je sais bien que je ne pourrais pas m'enfuir, je suis totalement à bout de force, je peux à peine bouger. Je suis totalement cinglée. Bon d'accord mais là, c'est une question de vie ou de mort. Enfin... presque.

Je commence à descendre les escaliers sur la pointe des pieds mais j'abandonne vite cette idée, mes ailes me déséquilibrent déjà assez. Mes ailes... C'est tellement bizarre dis comme ça! Sous mes pieds, l'escalier grince dans un bruit aigu, je serre les dents et prie silencieusement pour que personne ne me surprenne. Je suis enfin arrivée en bas des escaliers quand soudain mon pied se prend dans un objet, me faisant tombée face contre terre dans un bruit mat. Mon sang se glace dans mes veines, je retiens mon souffle et ferme les yeux. Pitié, pitié, pitié... Je compte jusqu'à 200 sans bouger puis, estimant que le danger est écarté, je me retourne pour observer la cause de mes tourments. La lueur de la pleine lune à travers les carreaux salis éclaire une botte, elle est toute simple: en cuir marron avec des lacets noirs. Pendant quelques secondes, je suis tentée de l'enfiler. Une botte en vaut mieux que zéro. Mais je laisse rapidement tomber, à vu d'oeil elle est bien trop grande et puis, qui sait quel genre de personne a mis son pied là dedans. Je m'appuis au mur pour me relever, j'ai l'impression de peser 100 kilos... J'espère que ce sont les ailes qui me rajoutent du poids sinon il faudra vraiment que je me mette au sport. Je pousse la porte en chêne qui sert d'entrée à l'orphelinat. Je me dirige le plus vite possible en direction de la forêt, jetant des regards nerveux autour de moi, ce n'est que 10 minutes de marches plus tard que je me rends compte que je suis encore en pyjama et que mon large t-shirt difforme est en lambeau. Heureusement seule la partie arrière à été abîmée, je sens les courants d'air s'infiltrer entre le tissu déchiré, me faisant frissonner. Mon pantalon est un simple bas de jogging noir à lacets gris. À l'heure qu'il est, je ne sens plus du tout mes pieds et je me prends à regretter de ne pas avoir pris la botte.

Plume Grise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant