Chapitre 12

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Je me souviens de chaque visite à l'orphelinat. C'étaient des adultes qui ne pouvaient ou n'arrivaient pas à avoir d'enfants. À chaque fois qu'on m'annonçait une visite, je me précipitais dans ma chambre, je mettais mes plus beaux vêtements et je brossais doucement mes cheveux pour être la plus belle possible et avoir une chance de m'en aller. Ensuite, on se réunissait tous dans le réfectoire et les futurs parents de l'un d'entre nous entraient. J'ai plusieurs fois été à deux doigts d'être adoptée mais au final il y avait toujours une fille plus mignonne ou un garçon plus adorable que le couple remarquait au dernier moment. Je n'ai jamais baissé les bras. Jusqu'à ce jour là. Personne n'était venu depuis plusieurs mois alors j'ai sauté de joie quand on m'a annoncée une visite et comme à mon habitude j'ai couru dans ma chambre, j'ai enfilé une jolie robe que May -mon amie depuis peu- m'avait prêté et je me suis appliquée à faire une longue tresse qui me descendait jusqu'au bas du dos. Mais quand je suis arrivée au réfectoire et que je me suis dirigée vers ma place habituelle, l'adjointe de la directrice m'a soudain attrapé le bras pour me rediriger vers une autre direction. J'ai rapidement compris que nous allions vers le fond de la salle où là, tapis dans l'ombre, se trouvait des enfants plus âgés à l'air morose que je n'avais jamais remarqué auparavant. Lorsque j'ai demandé à l'adjointe pourquoi est-ce que je devais rester ici elle m'a juste répondu. <<Tu es trop vieille.>> Le couple qui était venu chercher un enfant ne nous a même pas jeté un regard et à continuer son chemin, ce soir là je me suis endormie en pleurs dans mon lit, ayant compris que je n'avais plus aucunes chances d'être adoptée.

Ces vieux souvenirs, jusque là dissimulés au fond de mon esprit n'ont aucun mal à revenir me tourmenter tandis qu'une première maison apparaît devant nous. Lorsque nous la dépassons, j'aperçois furtivement deux yeux nous scruter entre les rideaux fermés, je tente de l'ignorer et continue à avancer, la peur au ventre. La forêt a laissé place à une gigantesque clairière où des dizaines de petits chalets et quelques bâtiments plus imposants sont disposés autour d'une maison plus grande que les autres. C'est là que nous nous dirigeons, où plutôt, là où John se dirige étant donné que je le suis encore. Le gravier crise sous nos pas lorsque nous remontons l'allée qui mène à sa porte. Les quelques personnes présentes à l'extérieur nous observent curieusement, ces gens possèdent de grandes paires d'ailes aux couleurs sublimes où juste plus banales mais toutes différentes. Mes ailes battent nerveusement dans mon dos tandis que John pousse la porte d'entrée.

Nous débouchons dans un grand salon aux murs couleurs bois qui me rappellent la forêt à l'extérieur et au parquet craquant. Des fauteuils variant entre le beige et le noir sont disposés élégamment près une bibliothèque garnie de livre qui me font déjà saliver et près d'une cheminée dont le feu crépite doucement. J'aperçois une ouverture un peu plus loin qui débouche probablement dans la cuisine.

-Papa!? appelle John.

Un tapis assorti aux canapés est posé au pied des escaliers que j'entends soudain grincer. Je relève les yeux vers un homme qui doit avoir la quarantaine et qui fait au moins deux fois ma taille, ses cheveux blonds cendrés sont en bataille, il m'observe de ses petits yeux marrons qui me paraissent terriblement tristes, deux ailes de jais presque aussi grandes que lui débouchent de son dos. Mais plus que sa taille ou son expression, je suis aussitôt impressionnée par la puissance et l'autorité qui se dégagent de lui. Il finit de descendre l'escalier pour se diriger vers John dont le visage est illuminé par un grand sourire, lorsqu'ils sont assez proches l'homme lui donne soudain une grande claque dans le dos avant de le prendre dans ses bras. John lui rend son étreinte, il a l'air ravis. Après quelques secondes d'embrassades, il se tourne vers moi et me tends sa main en déclarant d'une voix grave.

-Enchanté, je suis Carl, le père de John et le chef de ce clan.

Chef du clan? Je jette un regard oblique à John avant de serrer la main de Carl en tentant de ne pas laisser paraître ma surprise. Apparemment je ne suis pas la seule à avoir des secrets.

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