Chapitre 10

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Le vent s'engouffre dans mes vêtements et les gonfle tandis que dans ma chute, mes bras effectuent vainement des moulinets. Je tente de battre des ailes mais ma panique me bloque et je n'arrive à rien. Une voix retentit soudain au dessus de ma tête.

-Qu'est-ce que t'attends pour t'envoler?!

C'est John qui prononce ces mots avec nonchalance, il s'est sûrement envolé lui aussi, j'aimerais lui envoyer une répartie cinglante mais je me dis finalement que ce n'est peut-être pas le bon moment. La cime des arbres se rapproche de plus en plus vite, mes jambes se mettent elles-aussi à s'emballer. Mon rêve me reviens soudain en mémoire, tout était beaucoup plus simple à se moment là mais je dois bien pouvoir parvenir à reproduire quelques mouvements. Je suis tellement proche de m'écraser lorsque je parviens finalement à effectuer un premier battement d'aile que je peux voir un écureuil roux dévaler un tronc et se réfugié dans un buisson, probablement alerté par le bruit ou effrayé par la possible attaque d'un rapace nocturne. Je reproduis ce geste plus rapidement sans m'arrêter en me contentant de faire du sûr place un moment pour me stabiliser avant de prendre lentement de la hauteur pour finalement me porter aux côtés du crétin qui m'a pousser du haut d'une falaise.

-Eh bah tu vois! C'était pas si compliqué.

-Tu as faillis me tuer, je lui répond avec un regard noir.

-Quel pessimiste tu es!

Un sourire apparaît sur ses lèvres tandis qu'il me considère avec amusement. Je me contente de détourner les yeux.

-C'est pas toi qui m'avais dit qu'on avait un bon bout de chemin à faire?

Un léger rire le secoue avant qu'il ne s'élance soudain en avant. Je tente tant bien que mal de le suivre en imitant ses mouvements, Un battement d'ailes, deux battements d'ailes et on plane... et ainsi de suite. Je finis peu à peu par me détendre et par apprécier cette sensation de liberté qui m'envahie mais un poids ne veux pas quitter mon estomac. Je m'en veux d'avoir laisser Alice, j'aurais pu tout simplement l'ignorer et retourner à l'orphelinat mais je n'avais ni forces, ni raisons valables de le faire si ce n'est pour lui dire au revoir. Je sais bien que je ne pourrais jamais y retourner, ça soulèverait trop de questions, j'espère pouvoir l'observer de loin de temps en temps, histoire de voir comment elle se porte. Elle me manque déjà. Je parviens finalement à rattraper John qui plane paisiblement, les yeux fermés, son visage tourné vers l'avant. Un battement d'ailes secoue soudain son corps de haut en bas avant qu'il ne se stabilise de nouveau, comme si de rien n'était. On dirait qu'il a fait ça toutes sa vie, ce qui est peut-être le cas mais alors, pourquoi est-ce que mes ailes à moi n'apparaissent que maintenant? Je ne comprend rien et la fatigue qui avait pour un court instant désertée mon corps est revenue à l'assaut, plus féroce encore que tout à l'heure. Je m'efforce de garder les yeux ouvert et de suivre le rythme pourtant tranquille de John mais plus on avance et plus ça devient difficile pour moi de restée éveillée. John doit finir par s'en apercevoir car il ralentit et se porte à ma hauteur.

-Je pense qu'on est assez loin pour se reposer, maintenant.

Malgré le soulagement que m'inspire cette nouvelle, je ne peux m'empêcher de scruter l'horizon des yeux mais le décor reste le même: de grands arbres qui paraissent se balancer, des feuilles virevoltantes, des animaux nocturnes, une lune pleine et majestueuse...

-Dans la forêt? je lui demande.

-Tu n'a jamais fais de camping?

Je ne sais pas si il se moque de moi mais en tout cas il perd de plus en plus d'altitude et malgré ma crainte de m'écraser à l'atterrissage, je m'efforce de l'imiter. Je m'arrête à une dizaine de mètres au dessus du sol et l'observe se poser gracieusement, ça n'a pas l'air si compliqué que ça... Je commence à descendre, d'abord doucement mais plus le sol se rapproche et plus mon corps est attiré par la gravité, ce qui me fait accélérer avant de poser brutalement dans l'herbe. Je parviens d'abord à rester debout mais l'élan que m'a donné mon arrivée me force à faire quelques pas au bout desquels je m'affale par terre, le visage à moitié immergé dans une flaque de boue. Je sens une ombre me recouvrir juste avant qu'une voix au ton légèrement inquiet ne m'interroge.

Plume Grise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant