Chapitre 15

61 8 2
                                    

Apparemment, Matt est le genre de personne totalement obsédé par la ponctualité. Ce genre de personne chronométré comme une montre qui ne se permet même pas d'être en avance et qui n'a jamais été en retard. Je l'ai su en entendant des coups sourds dans l'entrée et une porte s'ouvrir malgré la pendule qui sonnait huit coups quelque part dans la maison. Encore couchée dans mon lit, occupée à rêvasser, je n'ai pas tout de suite compris ce que ça signifiait, il a fallu du temps à l'information pour remonter jusqu'à mon cerveau. Mais quand ça a enfin été le cas je me suis levé d'un bond et j'ai sauté à la douche plus vite que je ne le croyais possible. Je suis peut-être pressée mais pas au point de passer deux jours sans me laver. Je n'ai actuellement aucun moyen de connaître l'heure depuis ma chambre et donc de savoir depuis combien de temps je suis attendue mais j'ai l'impression que ça ne dérange pas plus que ça les deux hommes en bas dont j'entends les voix étouffées en me débattant avec mon t-shirt. Aucun mot ne me parvient cependant, juste des tons que je dirais... anxieux? J'enfile rapidement des baskets et je descends l'escalier à vive allure après avoir refermé la porte derrière moi.

Au moment même où j'entre dans le salon, plus aucune voix ne se fait entendre, un silence pesant s'installe autour de nous, uniquement perturbé par un tic-tac régulier et le feu crépitant de la cheminée. Carl a posé son bouquin si passionnant de la veille sur une table basse et me fixe avec gravité tandis que Matt, posté dans un coin, a croisé ses bras musclés et pose sur moi un regard étrange... différent de la veille. J'imagine que le fait d'être l'une des "leurs" me rend plus intéressante à ses yeux. Car oui, je suis certaine que c'est de ça qu'ils parlaient avant que je ne les interrompes, le regard brûlant que je sens dans mon dos vaut toutes les paroles du monde. Je pose les yeux sur le livre que Carl a délaissé pour ne pas avoir a croisé son regard. Tout plutôt que d'y voir... mais qu'est-ce que j'y verrais au faite? Du dégoût, de la déception, de la fascination, de la peur...? Je n'en sait rien et c'est ce qui m'effraie par dessus tout, l'inconnu. Va-t-il me chasser? Si il refait voter le clan, je pense pouvoir me considérer à la rue. Et alors? Qu'est-ce que je ferais? Je ne peux pas retourner à l'orphelinat, il exigeraient des explications que je serais incapable de fournir. Je me mettrais sûrement à la recherche d'un autre clan... Mais d'après les paroles de Matt, qui pourrait accepter une télépathe parmi ses rangs? Si au moins j'étais puissante... Mais je ne suis qu'une gamine, une nouveaux-née dans ce monde inconnue. Mes yeux lisent le titre du livre, encore et encore... <<La chasse et la pêche, raconté par des experts.>> dit l'écriture soignée sur la couverture.

-Tu es en retard.

La voix du lieutenant résonne comme un coup de tonnerre, brisant le silence comme il aurait foudroyé un arbre. Je ne répond pas, même si je l'aurais voulu je n'aurais pas pu. La boule qui m'obstrue la gorge et bien trop épaisse pour laisser le moindre son s'échapper. Les paroles que Matt a prononcé la veille ne cessent de tourner en rond dans ma tête, <<Rentre toi ça dans la tête Emma, je vis ici depuis toujours mais ils ne m'ont jamais accepté parmi eux et ils ne m'accepteront jamais, n'espère pas que ça change pour toi.>> Je sens soudain une main se poser sur mon épaule, je tourne légèrement la tête pour apercevoir le visage constellé de tâches de rousseur de Matt.

-Ne perdons pas plus de temps.

J'acquiese et nous nous en allons.

D'abord, Matt m'a emmenée dans l'école du clan que j'avais découvert pendant ma visite, il m'a traînée dans les couloirs jusqu'à finalement s'arrêter devant une porte mi-close. Il la poussée et nous sommes entrés. C'était une bibliothèque aux rayonnages multiples. Des dizaines d'étagères s'alignaient de tout côté, des livres de toutes les sortes étaient posées dessus et au fond, une dizaine de table et deux ordinateurs. Plusieurs traces de moisissure sur les murs ou sur le sol témoignaient de la vieillesse du lieu. Matt m'a emmenée jusqu'à une table où il m'a fait asseoir avant de poser un dossier et crayon sous mes yeux. <<C'est juste un examen pour tes capacités intellectuelles.>> a-t-il affirmé. N'empêche que "l'examen pour capacités intellectuelles" il était sacrément épais. J'ai commencé à tourner les pages pour examiner les questions, je n'ai jamais vu un test aussi étrange. On me demandais de faire une rédaction puis on nous posait des questions de géographie rapidement mêlées à des questions d'histoire qui, évidemment, incluent des dates et les maths n'ont donc eux aucun mal à s'infiltrer. Et puis les questions personnelles qui jaillissent ni vu ni connu de questions banales étaient légèrement dérangeantes. Pourquoi ont-ils besoin de connaître ma couleur préférée, le magasin de déco que je trouve le plus agréable et mon avis sur Napoléon? J'ai rempli le tout sous l'oeil inquisiteur de Matt qui s'est empressé de ramasser ma feuille au moment-même où mon crayon finissait de tracer la dernière lettre, quitte à me l'arracher des mains.

La suite a été bien plus dur qu'un simple test, qu'il contienne des maths, ou pas. Le lieutenant m'a fait sortir de l'école puis m'a fait traverser tout le village et plus nous avancions, plus je me doutais de notre destination. Jusqu'à ce qu'on y arrive, bien trop tôt à mon goût. La salle d'entraînement. Je n'y étais pas encore rentrée que je savais que ça allait être un véritable massacre. Je déteste le sport, de tant en tant et pour le plaisir, une petite course dans la forêt par exemple, c'est sympa mais un entraînement régulier où il faut suer sang et eau. Très peu pour moi. Quand j'étais plus jeune, j'adorais ça! Je ne restais jamais immobile et puis le temps a passé, la vie à l'orphelinat a commencé à me peser sur les épaules, c'était un poids dont je ne pouvais pas me défaire et comme tout poids, il m'a ralentit. L'envie de bouger a vite disparu, toute motivation m'a quittée. Heureusement, Alice a toujours été là, la voir si épanouie m'a rendu le sourire et m'a plus que jamais rapprochée d'elle. Cette partie de ma vie m'a laissée des séquelles, je n'ai plus jamais retrouvé mon énergie d'avant.

Le fait de penser à Alice provoque des tremblements dans mes mains que je m'empresse de fourrer dans mes poches, elle me manque... J'aime à penser que j'ai eu raison de la laisser là-bas, que c'était la décision à prendre, qu'elle ne m'en veut pas. Mais une petite voix au fond de moi ne cesse de me souffler que si un jour je revenais, elle ne me pardonnerais pas, et que encore faudrait-il que je lui manque...

Je soupire. Il faut que j'arrête de me tourmenter avec ça... Il y a des choses auxquelles je dois penser en priorité, comme le fait que j'avais raison. Ça a été un massacre.

Il m'a d'abord fait courir, j'ai tenu cinq minutes. Ensuite, j'ai dû faire des pompes, je n'en pouvais plus après trois. Il a voulu tester agilité en me faisant grimper à un arbre, il n'a pas voulu me croire quand ,après être tombée, je lui ai assurée que c'était de la faute d'une branche défectueuse.Il se demandait si ,peut-être ,j'étais souple et bien... j'ai fait une roue. Au final, Matt était plus que désespéré, il ne cessait de répéter que je devrais en être capable, que mon statut de telkas devrait me rendre sportive mais ce que j'ai le plus entendu de sa bouche ça a été qu'il ne savait pas quoi faire de moi. Il m'a finalement dit de rentrer. Apparemment, il avait besoin de réfléchir à mon programme.

Je suis totalement plongée dans mes pensées quand soudain, une voix familière retentit derrière moi « Ophélie! » Je me retourne et aperçois Clara qui court vers moi, je m'arrête pour l'attendre. Cet instant aussi je le redoute, son comportement envers moi va t-il changer? Lorsqu'elle arrive à ma hauteur (même pas essoufflée), elle me lance l'un de ses grands sourires dont elle a le secret et s'exclame:

-Une balade, ça te dit? Il me semble que t'as pas encore visité le vrai village!

-Le vrai village? Quel vrai village?

-Ne me dit pas que tu croyais que tous les membres du clan vivaient ici?! Tu pensais vraiment qu'on fait des centaines de bornes à chaque fois qu'on veut s'acheter un T-shirt?

-Euh...oui.

Elle se frappe le front du plat de la main avant de me jeter un regard agacé.

-Bon allez, suis moi.

------------------------------------------

Voilà! Bon désolé, je sais que non seulement je suis en retard mais que en plus le chapitre est plus court que d'habitude mais j'ai préféré vous postez un chapitre court plutôt que pas de chapitres du tout, j'espère que vous m'en voulez pas trop! Je pense prendre un rythme d'un chapitre toutes les deux semaines.

Tous les avis et les commentaires sont bons à prendre! Bye!

Plume Grise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant