Chapitre 8

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Assise dans mon lit, mon dos collé contre le mur, ma tête reposant entre mes mains, je cherche désespérément à comprendre. Qu'est-ce qui m'arrive? Mes exploits de ce matin me reviennent brutalement en mémoire: Après la fin de la course, le coach a essayer de me faire parler pendant plusieurs heures, évidemment il ne m'a pas cru quand je lui ai dit avoir simplement couru. Plus j'y pense et plus je me dis que j'ai bien fait de ne pas lui parler de ce que j'ai ressenti dans la forêt, de ce que j'ai vu. Un filet de sueur coule le long de mon dos tandis que mes mains se crispent en réaction à une violente migraine. Il avait fini par me laisser partir en constatant que je ne dirais rien, il était deux heures de l'après-midi et je n'avais rien mangé de la journée, il pensait que mon estomac aurait eu raison de moi mais il avait tord: la faim n'avait pas changé ma version des fait. La vérité, c'est qu'à peine m'a t-il laissé partir que je me suis réfugiée dans ma chambre sans passer par la case réfectoire puis que je n'en suis plus ressortie. Et si John avait raison? Et si j'étais cette chose dont je ne connaît rien? Une telka. Mes mains se mettent à trembler, ma température semble chuter de plusieurs degrés ce qui me pousse à m'emmitoufler dans mes draps. Mes yeux dévient sur l'horloge aux aiguilles fluorescentes accrochée au mur: 00:07. Ma migraine revient, plus violente encore qu'elle ne l'a été tout le reste de la journée. Mes paupières sont de plus en plus lourdes, mes yeux se ferment d'eux-mêmes. Mais avant de sombrer dans le sommeil, mon regards dévie une dernière fois vers la fenêtre aux stores relevées, plus précisément sur la sphère qui illumine le ciel et déverse ses rayons argentés dans la chambre, c'est la pleine lune ce soir.

--------- Rêve ---------

Mes pieds sont en contacts avec une surface froide, je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir où je suis. Je ne peux même pas faire une sieste de dix minutes sans être hantée par ce rêve tragique. J'ai tout essayé pour pouvoir sauver l'autre ou tout simplement pour éviter de toujours devoir me réveiller en sursaut, avec l'impression tenace de tomber dans le vide et des images macabres coincées dans la tête. Mais je dois me rendre à l'évidence: il n'y a pas d'issue et le monstre fini toujours par nous rattraper.

J'ouvre les yeux avec appréhension. Le même décor que d'habitude s'offre à mon regard: Une pièce aussi immaculée qu'infinie, et en face de moi, une surface lisse dont je n'ai toujours pas percée le secret, j'ai d'abord cru que c'était un miroir mais il ne me reflète pas, j'ai ensuite pensé que c'était une vitre mais si ça aurait été le cas, j'aurais pu la briser et passer de l'autre côté. Je m'approche et promène mes doigts dessus, un détail me perturbe: à chaque course poursuite, je peux sentit les battements d'ailes de la bête ainsi que son souffle chaud au creux de mon cou. Comment? C'est ce que je tente de comprendre jours après jours, sans y parvenir. Je recule d'un pas et soupire, autant en finir rapidement. Je ferme les yeux et fait un tout sur moi même, lorsque je rouvre les yeux, c'est sans surprise que j'aperçois des milliers de silhouettes, toutes identiques, debout à divers endroits. Rien ne peut les différencier: elles ont la même expression froide, la même rigidité, la même robe obscure balayant le sol, les mêmes ailes grises fièrement ouvertes... Ce sont toutes de pâles copies qui imitent mes moindre faits et gestes et qui disparaîtront dès que le monstre pointera le bout d'un de ces nez.

Cependant l'une d'elles est différente, c'est l'autre. Elle a sa propre personnalité et bien que nous n'ayons jamais échangé un mot, je l'apprécie pour l'épreuve qu'elle doit surmonter nuits après nuits et la voir dans cet état me serre le coeur: Prostrée sur le sol, ses grandes ailes grises retombent autour d'elle pour former une sorte de cocon protecteur, sa robe paraît terne, ses cheveux sont dans tout leurs états, son visage est tracé par des sillons de larmes, ses grands yeux verts si identiques au miens me fixent avec désespoir tandis que ses lèvres articulent une supplique silencieuse: Sauve moi...

Plume Grise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant