Chapitre XV - Virus

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« Il y a une cinquantaine d'années, une épidémie venant d'Afrique fit des millions de victimes. En quelques mois seulement, elle s'était étendue jusqu'aux portes de l'Europe.

Cet étrange virus provoquait des maux de tête soudains et si violents que la douleur donnait lieu à des délires extrêmes comme des hallucinations entraînant des réactions agressives et violentes, voire meurtrières.

Malheureusement, les plus touchés furent les enfants, plus réceptifs aux maladies, dû à leur immaturité immunologique.

Les Etats déclenchèrent une mise en quarantaine mondiale et tous se mobilisèrent afin de trouver un remède miracle.

Par malheur le virus impliqué avait la capacité de s'adapter aux mécanismes de défense et de résister à tout traitement.

Plusieurs années passèrent et des études menées sur des animaux portèrent enfin leurs fruits, mais il s'avérait que ce traitement était inefficace sur l'Homme.

Les gouvernements eurent alors l'idée de poursuivre les études sur des orphelins, déjà touchés par le virus, balayant dans ces conditions toute éthique.

C'est à ce moment-là que naquirent les Alphabetics Outlaws.

Les sujets étaient triés et soignés en fonction de l'avancement de la maladie. Plusieurs choix de traitements étaient possibles ; ceux-ci allant du plus léger, nommé "Alpha", jusqu'au plus puissant appelé "Oméga", pour le cas le plus grave.

Certaines médications se révélaient efficaces sur certains patients, tandis que pour d'autres, la mort était inévitable...

Une poignée d'enfants furent sauvés grâce à ce système d'administration. Mais combien sont morts en contre-partie ? Sacrifice ou avancée pour la science ? Personne ne connaissait le chiffre exact, mais il devait s'élever à plusieurs centaines.

Les remèdes miracles furent rapidement généralisés et mis sur le marché. Cependant, le coût d'achat étant trop important pour certains foyers, certaines familles ne purent se procurer que le plus faible des antidotes. On enregistra de nouveau de lourdes pertes.

Quelques années plus tard, le virus passa en phase de rémission, mais il restait toujours présent.

Seulement, après plusieurs mois d'accalmie, des événements anormaux se produisirent de plus en plus fréquemment. Selon les médias, plusieurs "accidents" mortels survenaient dans des lieux publics, sans que l'on comprenne le comment ni le pourquoi.

Des témoins affirmaient avoir vu un ou plusieurs enfants au comportement "bizarre" autour des lieux des accidents.

Un jour, l'un d'eux -un enfant- fut amené à la police et c'est alors que l'on se rendit compte, trop tard, que certains traitements avaient provoqué des effets secondaires très particuliers. En effet, les enfants à qui le sérum miracle fût injecté, avaient révélé des capacités hors-normes. Quelques-uns avaient développé une sorte de télékinésie dont ils se servaient comme d'une arme.

On avait répertorié que de rares cas, mais tous étaient reliés par les traitements contre le virus. Un étrange tatouage était apparu sur une partie de leur corps désignant le sérum administré par une lettre, notamment α, β...

Les États s'alarmèrent et recensèrent alors, tous les sujets fichés dans les listes de traitements afin de s'assurer qu'aucun autre enfant ne soit concerné par ces capacités... »

- Quels genres d'accidents ?

La question de Kim coupa net le récit.

Le vieux japonais se racla la gorge.

- Eh bien, quand tous les feux d'un carrefour passent au vert en même temps, un tramway qui déraille sans raison...

- Des enfants auraient fait ça ? fit-elle, dubitative

- Des Alpha Outlaws, oui.

- Mais des enfants ! Quel intérêt pour eux de provoquer de tels accidents ?

- Certains enfants avaient échappé aux mains du gouvernement, et pas n'importe lesquels.

- Les Orphelins... soupira Kim comme une évidence.

- Exact.

- Mais pourquoi ? demanda Kim.

- Ils pensent que le gouvernement est responsable de la mort de leurs frères et sœurs de l'Orphelinat.

- C'est horrible... des enfants sont morts pour...

- Pour sauver l'humanité en quelque sorte.

Kim tourna la tête vers le vieil homme, intriguée.

- Les États ne sont pas lâches à ce point. Ils ont érigé une statue commémorative en mémoire aux orphelins "morts pour sauver l'humanité", fit le vieil homme.

- Une statue ne peut remplacer les êtres vivants, rétorqua Kim.

- La plupart de ces enfants étaient condamnés quoi qu'il arrive.

- Que sont devenus les rescapés ? questionna Kim

- On pense qu'ils ont eu une prise de conscience et du jour au lendemain, on n'en a plus jamais entendu parler, lui répondit le vieux japonais.

- Une dernière question... pourquoi Alpha Outlaws ? demanda Kim.

Elle se dit qu'elle aurait dû poser cette question avant même d'en arriver là.

- Alphabetics pour les lettres des remèdes ainsi que pour les mystérieux tatouages apparus sur leur corps, Outlaws parce que ce sont devenus des hors-la-loi. Personne ne les a plus jamais retrouvés. Aucun d'eux n'existe dans les fichiers nationaux, ils ont sûrement dû changer de nom depuis, affirma le vieil homme.

Après un silence, Epsilon se leva et alla vers Kim. Elle lui tapa sur l'épaule et lança :

- Bon le vieux, explique maintenant le rapport qu'on a avec ces premiers Outlaws.

- Hein ? mais Thêta...

Kim n'eût pas le temps de finir sa phrase que le vieux lança : 

- Ces orphelins sont toujours recherchés aujourd'hui car ils doivent passer devant la justice. Mais ils se cachent bien puisqu'ils restent introuvables encore aujourd'hui. Seulement... l'État du Japon s'est montré garant de "traquer" ces individus car vous n'êtes pas sans savoir que le Japon a autorisé l'immigration de plusieurs centaines de familles venant du monde entier dont certaines seraient des parents, voire des descendants d'un Alpha Outlaws...

Le vieux fut pris d'une crise de toux, ce qui agaça profondément Kim pour qui le suspens était insoutenable.

Phi se leva vivement et accouda le vieil homme fébrile.

- Ça va, ça va...

Il lui fit signe d'aller se rasseoir.

- L'État du Japon a réussi à attraper un Alpha Outlaw. Mais ce n'est pas l'un des orphelins.

Kim toucha sa nuque brûlante et en même temps qu'il prononçait ces mots, elle dit par elle-même :

- C'est l'enfant d'un orphelin.

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