La Décadence des Flamants - Tome 3

Chapitre 3 : Les catastrophes s'enchaînent toujours (Cole)

Je n'étais jamais venu dans ce parc. Il était si coloré, comme si toutes les plantes étaient fausses ou que ma vision était troublée. Ce paysage me semblait tout sauf naturel.

Je m'approchai de quelques roses et j'en portai une jusqu'à mes narines, m'enivrant de ce parfum, me rappelant celui d'Heather. Elle aimait bien les produits à l'odeur délicate de fleurs, me donnant presque l'impression qu'elle était à mes côtés.

Je fus alors interrompu par l'arrivée d'un gamin. Il s'approcha de moi en courant, le sourire aux lèvres. Jamais aucun gamin n'était aussi enjoué de ma présence. Généralement, ils me pointaient tous du doigt, effrayés par mon charisme.

Je lâchai la rose et regardai ce gosse avec attention. Il devait avoir neuf ans et étrangement, il me ressemblait tellement. Il avait les mêmes cheveux noirs que moi, mais moins lisses, plutôt ébouriffés et bien plus courts que les miens. Il avait un regard angélique, des yeux d'un gris profond, comme ceux de Heather, néanmoins avec quelques taches brunes parsemées aléatoirement dans ses iris. Sa peau était pâle, mais légèrement plus foncée que la mienne.

Il me souriait. Je connaissais ce sourire. Je l'avais vu à de nombreuses reprises. Je le connaissais par cœur.

Soudainement, mes soupçons se confirmèrent quand il prit la parole :

— Papa !

Je m'accroupis devant lui pour pouvoir le regarder dans les yeux. Il n'avait pas peur de moi et c'était mon fils. Il me prit dans ses bras pendant quelques instants, comme si rien n'avait la moindre importance.

Il me relâcha et me fixa toujours avec la même joie dans ses yeux. Je pris son visage entre mes mains. Je sentais la chaleur de sa peau sur la mienne, il me semblait si vrai.

Puis, en levant les yeux, je l'aperçus. Ce monstre, il était là. Il commençait à prendre possession des lieux. L'herbe pourrissait sous ses pieds, tout comme les fleurs qui se fanaient à ses côtés. Il nous observait d'un air hautain, il dominait la situation et voulait nous le prouver.

Je serrai instinctivement le gamin dans mes bras pour le protéger.

— On doit fuir, lui murmurai-je.

L'œil gauche ensanglanté de ce monstre ne cessait de nous scruter. Il avait soif de meurtres, je le voyais bien.

Je me levai et pris le gosse par la main, l'obligeant à me suivre. Il se laissa faire sans poser la moindre question.

— Papa, où est-ce qu'on va ? me demanda-t-il.

— Loin, on doit partir loin, répondis-je dans un bref souffle, inquiet à l'idée qu'on soit suivis.

Le monstre n'avait pas bougé, mais nous n'étions pas assez loin pour ne pas l'entendre crier. Il n'allait certainement pas nous laisser tranquilles de sitôt.

— Tu sais ce que tu dois faire si quelque chose ne va pas.

Même lorsqu'il hurlait, sa voix semblait posée et calme. Jamais la colère ne l'emportait. J'étais le seul à me laisser emporter par mes sentiments.

Le gamin trébucha et tomba. Je tentais de le retenir dans sa chute, mais en vain. Il était au sol et ne bougeait plus. Je m'accroupis à ses côtés, craignant le pire.

Je l'inspectais. Il n'avait qu'une plaie sur son genou gauche. Le sang s'écoulait, il s'assombrit jusqu'à devenir totalement noir. Jamais je n'avais vu un liquide aussi obscur.

— Ça va aller, je vais appeler les secours, tentai-je de le rassurer.

Il ne répondait pas. Son regard vide. J'avais l'impression qu'il était mort.