La Décadence des Flamants - Tome 3

Chapitre 6 : La conscience (Cole)

Le gamin était à mes côtés, il tenait ma main. A priori, il n'y avait rien de mauvais dans cette vision. A priori... Il serrait fermement ma main, comme s'il se perdrait sans moi ou peut-être parce que je serais perdu sans lui. C'était comme si nous avions chacun besoin l'un de l'autre. Une étrange sensation.

Nous nous échangeâmes un rapide regard. Ses yeux sont toujours aussi gris, pourtant, ce sont les yeux les plus colorés que j'ai vus de ma vie.

— Où est-ce qu'on va papa ? me demanda-t-il d'une voix innocente.

Nous étions en train de marcher sur une route sans fin. J'ignorais où ça nous mènerait. J'ignorais quoi lui répondre. Soudainement, les mots m'échappèrent, dépassant ma pensée vagabonde.

— Loin, on doit partir loin, déclarai-je, le regard vide.

J'avais l'impression qu'une fois encore, ce cauchemar se répétait, mais que ce gosse faisait également partie des probables cibles de ce monstre.

En repensant à ce dernier, je jetai un bref regard aux alentours pour m'apercevoir qu'il marchait à mes côtés, à l'opposé du gamin. J'étais coincé entre eux.

— Tu sais ce que tu dois faire si quelque chose ne va pas, murmura-t-il d'une voix rauque.

Je regardais en face de moi, tentant de l'ignorer. Je ne voulais plus le voir ni l'entendre.

— Tu dois le faire. C'est mieux pour toi, insista-t-il en augmentant le son de sa voix.

Ne pouvant plus ignorer sa présence bien plus longtemps, je me tournai vers lui. Il avait disparu. Je m'arrêtai alors dans ma démarche. Le gamin fit de même. Il me regardait, perturbé.

— Qu'est-ce qui ne va pas papa ? demanda-t-il comme s'il était sur le point de pleurer.

Je m'accroupis à ses côtés et le prends dans mes bras. Il me semble si vrai. Je sens son souffle sur ma peau et le battement de son cœur.

Je le relâchai subitement et le regardai. Son regard était noir. Je pris son visage entre mes mains.

— Qu'est-ce que...

Je fus incapable de continuer ma phrase. Le monstre était accroupi à mes côtés, sa lame dans le creux de sa main. Il me la tendait, la mettant en évidence sous mes yeux.

— Fais-le ! Tu es le Mal ! Le Mal absolu ! vociféra-t-il violemment.

Le gamin s'empara de la lame. Que voulait-il faire ? Comptait-il l'utiliser contre lui ou contre moi ?

J'enlevai mes mains et le regardai avec une pointe de désespoir. Ses yeux étaient plus sombres que jamais. Il n'avait plus aucune sympathie pour moi.

Il approcha la lame de mon cou, la faisant glisser délicatement sur ma peau. Pour autant, ça ne me coupa pas, pas une goutte de sang ne s'en échappa.

— Fais-le ! s'exclamèrent le gamin et le monstre en chœur.

Je voulus prendre la lame du gamin. Je ne voulais pas laisser ça dans les mains d'un si jeune enfant. Il était innocent. Il n'avait pas demandé à subir autant d'horreurs.

— Tu es né dans la crasse. Personne ne t'aimera jamais parce que tu es un monstre, une erreur de la nature.

Je me tournai vers le monstre. Son œil rouge luisait dans le noir. Il scintillait même. Il posa alors sa main sur mon épaule, enfonçant ses griffes dans ma chair pendant que son regard se durcissait.

Puis je me tournai vers le gamin, j'avais la lame en sang dans ma main et lui était au sol, inerte, baignant dans son sang. Je n'eus jamais de réponse à ce qu'il s'était vraiment passé, comme d'habitude.