4) Où en suis-je ?

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La proviseure claque la porte de son bureau. Une fois assise, la professionnelle désigne une chaise face à elle et m'invite à m'y m'assoir.

—  Comment expliquez-vous cet agissement ? commence la femme d'une voix froide.
— Une camarade m'a insulté et giflé, je n'ai fait que me défendre.
— Et vous avez jugé utile de la gifler à votre tour ? Ce genre de comportement ne saura être toléré dans mon établissement. Je contacterai votre père afin de l'informer de votre agissement.

Je la regarde et mes lèvres s'entrouvrent.

Était-ce une plaisanterie ? La seule chose que j'avais faite était me rendre à cette fille la monnaie de sa pièce,  et voilà que l'on décidait de me punir ? Ce système scolaire était d'un illogisme. Il blâmait les victimes au lieu de sanctionner les coupables. Or, devant la décision de la proviseure qui ne changera pas, insister ne servirait à rien et ne ferait qu'empirer mon cas. Je me résous donc à me taire.

— C'est le premier et dernier avertissement avant l'exclusion temporaire Mademoiselle. Retournez en cours à présent.

Je me lève silencieusement, énervée face à cette injustice.

De retour chez moi, mille questions se bousculent  dans ma tête. Comment allait réagir mon père en apprenant ce qu'il s'était passé ce jour au lycée ? Et mes camardes ? Allaient-ils enfin m'accepter après que j'ai osé tenir tête à quelqu'un de la classe ? Et Jules... allait-il devenir plus violent ?

Un claquement de porte me fait brutalement revenir sur terre.

C'était lui... Mon père.

- Élisa ?
- Oui ? lui répondis-je maladroitement, surprise d'entendre qu'il semblait de bonne humeur.

Ces moments où tout paraissait normal étaient devenus si rares. Qu'il se soit brusquement bonifié me paraissait louche.

- Tu peux descendre un instant ?

Je m'exécute, ne voulant pas éveiller sa colère.

Il était là, dos face à la fenêtre du salon. Je m'arrête, hésitant à le rejoindre, redoutant le pire.

- Approche, poursuit-il d'un ton toujours étrangement calme.

Je m'avance, méfiante.

- Encore.

Je suis proche de lui, trop proche. Si bien que si l'envie le prenait de me faire du mal, je ne pourrais m'échapper...

Je prends une inspiration et attends qu'il parle.

- J'ai reçu un appel, commence-t-il. C'était une certaine Madame Bernard.

Aussitôt, je comprends que la proviseure avait bien tenu ses promesses en contactant mon père.

- Tu ne cesseras donc jamais de me faire honte, merde ! Apres la proviseure qui ce sera, les flics c'est ça ? Et quoi, ils viendront me dire qu'ils t'ont choppé avec un client ! 

Ma gorge se noue et je déglutis difficilement.

— Ce serait tout à fait possible, empotée que tu es !
- Je te jure papa, ce n'était que pour me défendre !
- C'est ça ! Mens encore !

Je cache mon visage et recule dans un coin de la pièce, tétanisée. Sa main s'empoigne de mon bras et, dans une rage sans nom, il me propulse contre le sol.

- T'es vraiment la pire chose qui me soit arrivée ! Regarde ce que t'es devenue ! Quelle honte de t'avoir sous mon toit !

Les traits de son visage se durcirent. Sa main agrippe mon cou et m'étrangle. Je veux me débattre mais il m'en dissuade en comprimant davantage ma trachée. Mon corps cède à la  panique lorsque l'air en vient à s'amenuiser. Je tente de me dégager de son emprise mais il me gifle une seconde fois. Sous la violence de son geste, ma tête bute contre le carrelage.

Je sens le goût métallique du sang couler dans ma bouche et mes paupières se ferment brutalement.

J'allais enfin te rejoindre, maman. J'avais tant attendu, et aujourd'hui, enfin, mon rêve allait se réaliser. Tu m'attendais depuis si longtemps.
Ce calvaire allait se transformer en une nouvelle ère, celle du paradis.

Pourquoi a t-il fallu que tu partes ? Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant