8) Passé ressurgissant

103 9 4
                                    

Une main me caresse délicatement le visage, je me réveille. C'est Karine. Elle me regarde gentillement.

Je ne sais pas si Jordan lui a raconté ce que je lui avait confié hier soir. Je n'ose pas le lui demander, de peur que cette situation ne dégénère.

- Comment vas-tu ma belle ?
- Bien et vous ? lui répondé-je un peu maladroitement.
- Oh je t'en prie, tutoies-moi ! C'est fou maintenant j'ai l'impression d'avoir pris cinq bonnes années...

Je ne peux m'empêcher de sourire devant son air si sérieux.

Mon visage ne tarde pas à se rembrunir. Il fallait que je lui demande... Karine semble deviner ma préoccupation car elle me regarde avec interrogation.

- Est-ce que tu as vu Jordan hier soir ? osai-je d'une voix peu assurée.
- Jordan ? Oui, il sortait de l'hôpital et semblait très en colère d'ailleurs.
- Et... il t'a parlé ?
- Figures-toi que j'ai voulu l'interpeler mais il m'a fuit... Oui il était très remonté.

Je soupire de soulagement mais pas pour longtemps.

- Pourquoi ? Il s'est passé quelque chose ? continue Karine, interpelée.
- Oh, non non !
- Tant mieux si tout va bien dans ce cas. C'est peut être les cours qui le stressent ou son match de basket pour lequel il se met toujours une pression gigantesque.

J'acquiesce, faisant mine de trouver  suppositions plausibles.

- Au fait, je me demandais, poursuit t-elle. Sais-tu quand est-ce que tu sortiras de l'hôpital ? Je n'ai pas eu l'occasion de revoir ton docteur ces derniers jours.
- Il avait envisagé un départ d'ici moins de deux semaines.
- En voilà une bonne nouvelle ! Je suis contente pour toi, ma chérie !

  J'esquisse un mince sourire. Non, il fallait dire que cet emménagement au domicile de ma famille d'accueil m'enchantais guère. Cela signifiait que Jordan et moi allions nous croiser quotidiennement. Et surtout le départ de l'hôpital sous entendait mon retour au lycée.. Mon ventre se comprimait à l'idée d'être à nouveau confrontée à Jules et au reste de la classe. Heureusement Laura sera là.

- À ton arrivée j'espère que tu auras l'occasion de rencontrer  Carl, mon mari qui est aussi le père de Jordan. J'espère qu'il sera revenu de son voyage d'affaires.
- Moi aussi, c'est un vrai bonheur d'être comptée parmi vous. J'ai tant rêvé d'être enfin dans une famille où... où l'on m'aime.
- Nous ne t'abandonnerons jamais, tu peux en être certaine, pose t-elle sa main sur mon épaule d'une façon rassurante. Tu sais, j'ai toujours souhaité avoir une petite fille, malheureusement ça n'a jamais été possible, me confie la femme tristement. Carl et moi n'y arrivions pas... Il y a quelques année de cela, on m'a détecté une... une anomalie des ovaires lors d'une consultation gynécologique.

  Ma gorge se noue. J'observe Karine qui fixait le mur droit devant elle, le regard vide.

- Puis avec le temps, j'ai proposé à Carl que nous adoptions un enfant. Nous avons attendu avant de prendre cette décision. Et cette année là mon souhait d'adoption n'a fait que de se renforcer. Je souhaitais tant avoir une présence féminine à la maison, pour passer du temps avec elle, comme une mère avec sa propre fille, pour la chérir comme j'avais toujours souhaité le faire. Alors j'ai passé le diplôme d'état d'assistante familiale au Centre départemental de l'enfance.  Cela m'a permis d'héberger et d'accueillir des enfants temporairement attendant d'être placé en famille d'accueil. Et ce jour là, le Juge pour enfant nous a envoyé une ordonnance de placement provisoire te concernant. Alors c'est là que nos chemins se sont croisés. Le soucis est que le Juge n'a pas encore trouvé d'assistante familiale pour t'accueillir de manière définitive, et nous ne savons pas jusqu'à quand tu resteras à la maison...
- Ce n'est pas possible de demander au juge que tu puisses m'accueillir de façon définitive ?  Je ne me sens si bien avec vous.

Dans un élan affectif, la femme me serre dans ses bras.

- Oh ma chérie. Tu aimerais vraiment rester à la maison ?
- Ce serait mon plus grand rêve Karine, murmuré-je avant qu'une larme coule le long de mes joues. Tu me fais me sentir en sécurité, même si nous nous connaissons depuis peu, c'est comme si ma nouvelle vie recommençait.

Karine me caresse doucement l'épaule avant de sourire doucement. 

- Il faudrait demander une dérogation au Juge pour enfant car mes mission au au centre département de l'enfance ne me permettent pas un accueil permanent.  Je ne peux rien te promettre mais si cela peut t'aider à te reconstruire, si l'amour que nous te portons nous avons quelques chances de notre côté.

- Surtout repose-toi bien, ma chérie.

Elipse

Quelqu'un toque à la porte, me faisant émerger de mon sommeil.

- Oui ?
- Bonjour, comment allez-vous mademoiselle ? me demande une infirmière qui était entrée dans ma chambre.
- Un peu mieux, merci.
- Je suis Sophie, se présente t-elle, c'est moi qui vais m'occuper de vous aujourd'hui.
- Enchantée, sourié-je.
- Si vous me le permettez, je vais vérifier l'état de tes blessures. Nous allons voir si elles cicatrisent bien.
- Bien sûr.
- Pouvez-vous enlever votre haut ainsi que votre leeging s'il vous plait ?

J'acquiesce avant de m'exécuter.

En voyant les nombreuses lésions sur mon corps, l'infirmière a du mal à masquer sa surprise.

- Excusez-moi, se reprend t-elle immédiatement.
- Ce n'est rien.

La femme touche les griffures présentes sur mon dos. Je ne peux retenir un gémissement de douleur.

La femme se mord la lèvre, prise par la culpabilité.

- Je suis désolée, voulez-vous que vous applique une crème apaisante ?
- Ça me soulagerait...
- Avez-vous été frappée sur les fesses ? me demande la professionnelle en observant chacun des coups que j'avais reçu.

Je détourne le visage, mes joues devenues cramoisies.

- Oui c'est le cas, je réponds d'une voix faible.
- Ailleurs ? continue t-elle.

Je me tais, mal à l'aise.

- Peut être souhaitez-vous garder cela secret et je le comprends tout à fait. Excusez-moi si j'ai pu vous brusquer.

Je me redresse, avant de secouer la tête.

- Non vous avez raison Sophie, c'est quelque chose que je porte depuis trop d'années. Nier tous ces faits est difficilement supportable. Je vais tenter de vous répondre.
- Vous pouvez m'arrêter à tout moment mademoiselle, ne l'oubliez pas, me prévient l'infirmière.
- C'est depuis plus de quatre ans que je subis des violences de la part de mon père.
- Avez-vous alerté certaines personnes ?
- Non mon père m'en avait interdit. Si j'avais osé le trahir, il m'aurait battu.

Sophie hoche de la tête.

- Puis-je vous poser une autre question ?
- Allez-y.
- Votre père a t-il été plus loin avec vous ?
- Comment ça ? l'interrogé-je en déglutissant.
- Je vais aller droit au but. Avez-vous été violée ?

Des larmes commencent à couler sur ma joue, après qu'elle ait prononcé ce mot. J'avais tant gardé pour moi, et me confier sur ce sujet me rendais mal.

- Vous en êtes capable Elisa, j'en suis certaine. Prenez votre temps.

Je me décide à répondre quand quelqu'un entre en trombe dans ma chambre. Mes yeux s'écarquillent lorsque je découvris Jordan.
Le corps tétanisé, je ne peux que l'observer se rapprocher de moi.

Pourquoi a t-il fallu que tu partes ? Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant