Chapitre 1 : La louve

18.7K 1.1K 155
                                    


Il y avait dans ma région une meute très fermée mais qui semblait diriger tout ce qui se passait ici. Les magasins, les entreprises, les instances de gouvernement : c'était la meute des Sang-Noir qui était aux commandes. Quiconque avait déjà croisé un de leurs loups et s'était révélé être leur ennemi finissait déchiqueté en deux coups de dents. Il fallait dire que cette meute était réputée pour être composée d'au moins 200 monstres particulièrement imposants.

Toutefois, quand on ne les ennuyait pas, ces loups-garous étaient très discrets, il fallait le dire. Leurs jeunes vivaient une vie normale, se mêlaient aux humains sans problème et de temps en temps, rencontraient leur âme-sœur. On les distinguait par leur grande taille, filles comme garçons. Même si moi, je n'avais pas d'amis dans cette meute, plusieurs de mes connaissances en avaient. Ils me disaient à quel point les loups était secrets sur tout ce qui concernait leur communauté. Apparemment, on les forçait au mutisme.

Dans mon lycée, il y avait même le fils de l'Alpha, Jack Sanders. Il était plus immense que la moyenne. C'était un brun aux yeux noirs d'un mètre quatre-vingt-dix. Avec mon petit mètre cinquante-et-un, il me dépassait d'au moins trois têtes quand je le croisais dans le couloir du lycée. Il était encore plus muet que tous les autres membres de sa bande de loups, et même si aucun ne confirmait son statut dans la meute, on racontait que c'était un Alpha, comme son père.

Evidemment, tout un fan-club s'était réuni autour de ce géant silencieux, et beaucoup se seraient entretuées pour être celles qui le sortiraient de son silence. Beaucoup espéraient être son âme-sœur, mais Jack ne disait rien à ce sujet. Une fois, ma copine Anna profondément fan du loup avait engagé une conversation avec lui. Ce dernier n'avait répondu que par « Oui » ou « Non ». Il avait beau être magnifique, je lui en avais voulu d'avoir rendu triste mon amie.

De toute façon, je n'avais pas le temps pour ce genre de minauderie : je passais une grande partie de mon temps dans la grande bibliothèque de Woodbury, la ville où nous vivions tous. J'allais passer l'examen d'entrée de l'université d'Amsterdam, par correspondance ; j'avais obtenu une bourse et j'avais mes chances de le réussir. Je ne pouvais donc pas me permettre de me laisser distraire par un loup, aussi craquant soit-il.

---------------------------------------------

C'est ici qu'un jour, je fis une rencontre essentielle. J'étais en train d'étudier le rôle de la monnaie dans les crises conjoncturelles, ce qui, malgré mon intérêt pour les études, me paraissait franchement barbant, quand tout à coup, une sorte de grognement parvint à mes oreilles. Un grognement compréhensible. RRRRElie. Eeeeelie. Elie ? C'était mon nom. Et quelqu'un le grognait, en plein milieu de la bibliothèque. Je me tortillai dans tous les sens pour comprendre qui m'appelait et pourquoi il grognait mon nom, alors que je ne voyais aucun Sang-Noir dans le coin. C'est alors que je vis, à mes pieds, un chiot. Un tout petit chien-loup, complètement adorable. Je me sentis fondre. « Tu es trop mignon ! » Je l'attrapai pour le poser sur mes genoux. Le regard noir de ce chiot était déstabilisant. Deux points noirs intelligents sur une fourrure blanche. Je ne pouvais m'empêcher de lui faire des câlineries, pensant que je l'adopterais bien. Surtout que lorsqu'il grognait, on aurait dit qu'il m'appelait. Je reposais le chiot au sol, distraite par des murmures à côté de moi. « Alors comme ça, le vieux est mort ? Le vieil Alpha ? Mince... »

Je l'aurais bien ramené à mon pensionnat, là où je vivais depuis deux an, seule. Je ne parlais pas à grand monde, sauf Anna qui vivait en face de chez moi. Mais elle ne venait plus beaucoup, ces derniers temps. Un loup l'avait trouvée, et il s'avérait qu'il s'agissait de son âme-sœur. Berk. Le visage mièvre d'Anna lorsqu'elle avait réalisé qu'il s'agissait de sa moitié me donnait envie de vomir.

Au moins, me disais-je, j'étais tranquille. Je n'avais d'obligeance envers aucun loup, ni même aucun humain. Seulement à mes livres, donc tant mieux. Ce soir-là, néanmoins, je me sentais plus seule que jamais. Enfin, pas vraiment. Ce soir là, je me sentais seule, malgré la compagnie d'une femme, en bas du pensionnat, qui semblait attendre sur un banc. Elle était très belle, grande, mince, aux épaules larges et aux cheveux auburn. Je ne l'avais jamais vue dans les environs auparavant, et pourtant, Woodbury était petite et tout le monde se connaissait. Elle était tellement grande qu'elle aurait sûrement pu me maîtriser en moins d'une minute. Elle n'était pas très rassurante, pour être honnête. Avec un frisson, je tentais de maîtriser mon appréhension en allumant ma lampe de bureau. Au moins, je ne serais pas seule dans le noir.

En jetant un nouveau regard à la fenêtre, j'eût un sursaut en réalisant que la femme avait disparu. Bon. Au moins, elle ne traînait plus devant le pensionnat. Ouf.

Il y eut quelques minutes de silence où je tentais de me calmer, mais au moment où je m'apprêtais à retourner à mon bureau pour travailler, ma porte s'ouvrit brusquement, sortant de ses gonds et tombant lourdement. Dans son encadrement se tenait la gigantesque femme du banc.

Pour avoir une force et une taille aussi titanesque, elle devait faire partie des Sang-Noir. Pourquoi ne m'en étais-je pas rendue compte avant ? Et surtout, qu'est-ce qu'elle me voulait ?

« Bonsoir, déclara-t-elle d'une voix douce. Tu me vois désolée de t'arracher à tes études. »

Elle avait un timbre de voix agréable qui contrastait avec sa carrure d'amazone. Mais toute la douceur du monde n'aurait pas pu m'arracher à ma stupeur. « Qu'est-ce que vous voulez ? Pourquoi vous avez arraché ma porte ?

-Elle était verrouillée, protesta-t-elle. On m'a envoyée te chercher.

-Je ne suis pas votre âme-sœur ! criai-je, paniquée.

-Evidemment, dit-elle en riant. Tu es celle de quelqu'un d'autre. Mais comme ce quelqu'un d'autre n'ose pas venir et s'avère être un petit fragile, il m'a dit de venir te prendre. Et de te ramener en bon état. »

Elle s'étira, faisant craquer chacun de ses os lentement. On aurait dit que quelqu'un lui avait imposée une corvée ennuyeuse, comme faire la vaisselle ou laver le linge. J'étais morte de peur : on ne refusait rien à un Sang-noir, mais c'était hors de question que je vienne avec elle. Je ne voulais pas finir avec un loup que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam. Et si c'était un vieux que je n'avais jamais rencontré avant ? « ...N-Non ! gémissais-je. Je ne veux pas venir avec vous !

-Oh, s'il te plaît, gentille Elie, sois mignonne et viens rencontrer mon frère. Ne me force pas à être violente ou il va faire sa mauvaise tête. »

Ce côté maternel faisait tâche avec l'avancée menaçante qu'elle effectuait dans ma direction. Sa main aux traits fins pouvait englober ma tête. « Pardon. » s'excusa-t-elle.

Et tout fut noir et douleur.

Lorsque j'ouvris mes yeux, il y avait Jack Sanders, dans toute sa puissance, assis en face de moi.

Le grand méchant toutouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant