Le grand méchant toutou

Chapitre 29 : Dans la gueule du loup

La vieille berline poussiéreuse d'Ocelot crachotait son vieux moteur du mieux possible en roulant sur une route criblée de trous, qu'elle éclairait d'une lumière blafarde avec deux vieilles ampoules en guise de phares. Assise entre la carrure massive de César et celle d'un de ses vieux amis Gamma Sang-Noir nommé Chuck, je tentai de vérifier si ma peau que je jugeais relativement pâle était visible dans l'obscurité. J'espérai que ma discrétion ne serait pas trahie par ce détail. « Est-ce que tu crois qu'au bout du millième essai, ta peau sera moins repérable dans le noir ? » soupira Oswald, excédé par mon nombre incalculable de vérifications.

Mon inspection fut interrompue par Gladys, assise à côté de son vieil oncle sur le siège passager. « Très bien ! Nous n'allons pas tarder à arriver, je vais donc récapituler le plan une nouvelle fois. Je vais le répéter pour que ceux ayant le coup de griffe facile ne l'oublient pas : on ne tue personne. C'est une opération d'infiltration. On récupère Jack, Eva, les parents de Moses Jr si nous en avons l'opportunité, et on s'en va. Une fois qu'on les aura, on reviendra pour les massacrer. »

J'entendis les trois Gamma présents dans la voiture -César, son ami Chuck ainsi qu'une excellente guerrière Sang-Noir prénommée Tabitha- lâcher un grognement agacé. Gladys leur lança un regard sévère. « Est-ce que tu peux me rappeler où Ocelot nous conduit ? hésita Joseph en levant la main, assis sur la toute dernière banquette, au fond de la voiture. Et par où nous sommes censés rentrer ?

-Ocelot vous conduit à l'hôtel de la forêt, gronda le vieux scientifique en parlant de lui à la troisième personne. Et Ocelot va vous indiquer l'entrée. Mais si Ocelot se fait attraper...

-Il nous dénoncera immédiatement, on sait, ronchonna Gladys qui avait eu un mal fou à convaincre son oncle. De toute façon, vous devez juste rester sagement dans la voiture et nous venir en aide au cas où James lancerait au hasard un de ses poisons. Et à défaut, vous êtes aussi le fournisseur officiel de ces petits sachets de lavande censés cacher notre odeur. »

Ocelot, concentré sur la route, leva les yeux au ciel. J'avais vu Gladys faire des pieds et des mains pour le convaincre sans jamais le voir céder, jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'elle détenait encore quelques souvenirs de la défunte âme-sœur d'Ocelot dans un grenier. Le vieil homme devait sérieusement y tenir pour avoir accepté de nous conduire jusqu'à un lieu si dangereux, juste pour récupérer de quoi se rappeler sa moitié.

J'avais entendu parler un jour de ce fameux « Hôtel de la forêt », qui était désormais le repère de la Meute Blanche. En feuilletant des vieux journaux par hasard à la bibliothèque de Woodbury, j'avais trouvé un article datant d'une vingtaine d'années parlant de la fermeture de cet établissement qui était trop peu adapté aux loup-garous et privait donc cet hôtel de la moitié de sa clientèle. La photo montrait un lieu agréable, en pleine forêt, doté d'une piscine ; chose dont James avait parlé dans sa lettre à Mary et qui avais permis à Gladys de deviner où se trouvait la Meute Blanche. La sœur de Jack s'était alors souvenue du témoignage d'Eva, qui parlait très peu de l'endroit où elle avait grandi mais qui des fois en reparlait avec un sourire rêveur. Elle évoquait ainsi les nombreuses chambres où elle jouait petite ou une immense salle de réception avec un lustre somptueux. Cet hôtel était un des rares de la région à bénéficier de telles infrastructures, et il n'en avait pas fallu beaucoup à Gladys pour en déduire l'endroit où se terraient James et sa Meute, si ces derniers ne se cachaient plus à l'Université d'Amsterdam.

« Pour aller plus vite, nous allons nous diviser en équipes. Joseph ira avec moi, annonça Gladys avec un petit sourire. Tabitha ira avec César, et Chuck fera équipe avec Elie. Nous communiquerons par téléphone, grâce aux messages. Ce n'est pas très pratique, ni prudent, mais c'est tout ce que j'ai trouvé. »