Chapitre 1

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J'attendais depuis déjà deux heures sur le quai de la gare de notre petite ville. Deux heures à tenir mon petit carton avec "Romain, Orphelinat de Bresson" écrit dessus. Romain était le nouvel arrivant de notre orphelinat. J'avais été chargé, pour mon plus grand bonheur, de l'incroyable mission d'aller le chercher à la gare située à 9 km de l'orphelinat. Autant vous dire que dès le départ je le détestais, et oui, parce que les 9 km, aller et retour, je les faisais à pied.

Son train, était annoncé pour 15 h 00 mais bien sûr il n'y avait toujours pas la moindre locomotive en vue. Pour m'aider un peu plus, personne n'avait pensé une seconde à réparer le panneau d'affichage de la gare, donc, impossible de savoir dans combien de temps ce fichu train allait finir par arriver.

Le nouveau n'avait pas eu une vie facile ces dernières semaines. Il avait perdu sa famille dans un accident de bateau. Ses parents et son frère étaient partis pour ce qui devait être une petite balade en mer, mais ,malgré leurs nombreuses années de navigation, ils n'avaient pas pu vaincre la gigantesque tempête inattendue.

A la gare, après encore une heure d'attente, deux faux espoirs et un ennui profond, notre fameux Romain pointa enfin le bout de son nez. J'entendis le train arriver de loin. Même si je pouvais me venter d'avoir une ouïe particulièrement fine, elle n'était pas nécessaire car le train fit trembler toute la gare, on ne pouvait pas louper son arrivée. Il fut le premier passager à descendre du train, et a vrai dire, il fut le seul à descendre à cet arrêt paumé. Il était assez grand, mince et brun de cheveux. Quand il me vit sur le quai, ce qui n'était soit dit en passant pas vraiment un exploit parce que j'étais seule, il se dirigea vers moi avec un grand sourire. Au vu du poids de sa valise et de sa difficulté à la portée je ne pus m'empêcher de lui dire :

_Je suis Lucy de l'orphelinat, comme tu as 3 heures de retard et qu'il faut qu'on soit rentrés avant la nuit on va devoir aller vite. Et pour ta valise, moi je ne suis pas bagagiste, alors tu la portes.

Un peu choqué par mon agressivité il me répondit, peu assuré :

_Heu, salut...

Bon d'accord j'avais été un peu vache mais vu mon humeur du moment, il pouvait s'estimer heureux que je ne l'ai pas insulté. Je me retournai alors et sortie de la gare sans un regard en arrière.

J'avais adoré sa mine déconfite suite à ma tirade. Je réussis de justesse à retenir un sourire moqueur. On sortit de la gare l'un derrière l'autre et je m'engageai sur le parking vers la sortie piétonne. Il eut un petit moment d'hésitation quand on passa à côté de la seule voiture encore en stationnement. Il allait vite s'apercevoir que chez nous, c'est minimaliste. Seul le directeur avait un véhicule mais, comme il n'habitait pas avec nous, on se déplaçaient toujours à pied. Heureusement pour nous, il nous rendait visite chaque semaine avec les courses dans le coffre. En passant le petit portail menant au sentier caillouteux, il avait l'air résigné. 

Au bout de 30 minutes de marche sur une petite route bordée de hauts sapins où il peinait avec sa valise, il me demanda :

_C'est encore loin ?

_Encore 6 km.

Il n'eut pas l'air enjoué de ma réponse. Personnellement la marche ne me dérangeait pas, j'avais une bonne endurance. Je me baladais souvent dans la forêt qui entourait l'orphelinat, c'étaient mes moments à moi.

Le trajet se fit tranquillement, on ne vit même pas passer une seule voiture à côté de nous. La route ne menait qu'à un tout petit hameaux et à l'orphelinat, alors le nombre de voitures qui l'empruntait n'était pas énorme.

Arrivés dans ce dit Hameaux, son visage commença à s'éclairer, il pensait sûrement que l'orphelinat se trouvait ici parmi ces maisons hautes et blanches. Mauvaise pioche, il était paumé dans la forêt et donc nous étions encore loin d'arriver à notre destination finale. Il n'y avait pas grand monde qui vivait dans le coin. Tous les habitants se connaissaient et avaient grandis ensemble. Nous, les enfants de l'orphelinat, n'étions pas très appréciés. La réputation des anciens pensionnaires nous suivait. Autrefois, l'orphelinat était un asile psychiatrique et les gens d'ici n'aiment pas vraiment tout ce qui sortait de l'ordinaire.  Ils pensaient sûrement que nous avions tuer nos parents ou que ceux-ci nous avait envoyé là parce qu'ils ne supportaient plus nos troubles mentaux. On avait jamais pu s'intégrer malgré les efforts du directeur pour changer leur regard sur son établissement reconverti.

Les orphelins du clair de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant