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     Comme j'étais un enfant particulier, j'allais dans une école spéciale, le centre. Mais pour me permettre d'évoluer avec des enfants normaux, les médecins ont décidé de me mettre dans une école normale deux demi journées par semaine, en maternelle, avec des enfants qui n'avaient pas de truc en plus. Comme j'étais heureux d'aller enfin dans une école pas spéciale, mon père m'a vite rappelé à l'ordre en me disant que les enfants qui n'avaient pas de truc en plus étaient souvent moqueurs avec les enfants comme moi. Il m'a dit qu'il ne fallait surtout pas leur parler car il est interdit de parler à quelqu'un qui n'est pas de notre famille. J'ai vite compris que cette école serait beaucoup plus difficile que l'autre, qu'on ne me laisserait pas tranquille et que j'allais devoir grogner plus fort pour ne pas qu'on se moque de moi.

     Le matin tant redouté est arrivé. Mon père était venu dormir avec moi cette nuit en me réveillant toutes les heures pour me demander si je me souvenais bien des trois règles qu'il faudrait respecter le lendemain. Ne parler à personne. Ne regarder personne. Ne se laisser toucher par personne. Par tous les moyens. Du coup, en ouvrant les yeux, j'avais très mal à la tête et je pleurais car je ne voulais pas y aller. Il m'a dit que tout se passerait bien si je respectais les trois règles.


     Arrivé devant l'école, mon père m'a embrassé, m'a accompagné dans la classe. La maîtresse devait bien être maléfique car elle s'est tout de suite penchée sur moi en me prenant le bras et me disant bonjour en me regardant dans les yeux. J'ai eu si peur qu'elle rentre dans ma tête que j'ai couru en baissant les yeux jusqu'au fond de la classe. Je me suis caché derrière un porte-manteau et j'ai entendu papa qui s'excusait et expliquait à la « terrible sorcière » que j'étais perturbé et qu'il ne fallait pas m'en vouloir, puis il est parti. J'ai regardé autour de moi et j'ai eu très peur. Il y avait des couleurs partout, tellement de couleurs que la pièce était multicolore. J'ai mis ma tête dans mes mains et je ne voulais plus ouvrir mes yeux.

     Puis une cloche a sonné et tous les enfants ont couru dans la classe. Il y en a plusieurs qui sont venus me voir en me demandant comment je m'appelais mais je ne voulais pas leur répondre ni les regarder parce qu'ils n'étaient pas de ma famille. Moi, quand tous les élèves sont allés s'asseoir après que la maîtresse leur ait demandé, je suis resté debout derrière le porte manteau. Mais cette maîtresse-là, elle ne m'a pas laissé là toute la matinée, elle a demandé à son assistante, une dame toute petite et plutôt vieille, d'essayer de me faire bouger du fond de la classe. Alors la dame petite et vieille est venue me voir et elle s'est assise à côté de moi, comme ça, sans rien me dire et sans même me regarder. Au début je ne savais pas ce que je devais faire alors je me suis reculé pour mettre un peu de distance, puis elle s'est encore assise un peu plus près alors j'ai encore un peu reculé. Elle a recommencé plusieurs fois et au bout d'un moment je me suis retrouvé devant un petit bureau avec une petite chaise. Il était tout blanc. J'aime bien le blanc car c'est reposant. Et puis c'est la seule couleur que mon père ne me demande pas de trier dans ma chambre. Alors je me suis assis là et je n'ai plus bougé. J'ai joué avec ma carte postale et la maîtresse avait l'air contente que je ne fasse pas le bazar. La dame petite et vieille est repartie et j'étais triste car c'était la première fois que quelqu'un ne me parlait pas et ne me regardait pas. J'ai compris qu'elle devait savoir comme moi tous les dangers qu'il existait. Et puis elle sentait bon.

     Un peu plus tard la cloche a encore sonné et mon père est arrivé. 

Je suis un actisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant