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     Arrivé devant le psychologue, je me suis rappelé de tout ce que m'avait dit ma mère. Il fallait faire le sauvage, et montrer au psychologue ce qu'il avait envie de voir. C'est alors qu'un long dialogue de sourd s'est enclenché.

     J'ai commencé par lui montrer du doigt un jouet qui était posé sur la table. Il l'a pris et m'a demandé si je le voulais. Je ne suis pas tombé dans le piège et n'ai pas répondu. Comme il ne me le donnait pas, je me suis mis à crier en m'arrachant les cheveux. Il m'a donné le jouet.


     Ensuite, pendant exactement vingt-trois minutes, je me suis balancé en fermant les yeux. J'ai compté dans ma tête chaque seconde comme ma mère me l'avait suggéré. Le psychologue n'a rien fait pendant tout ce temps. Parfois j'avais envie d'ouvrir les yeux pour voir s'il était toujours là, mais j'ai compris que c'était exactement ce qu'il espérait alors je n'ai pas ouvert les yeux une seule fois, jusqu'à ce qu'il se mette à gratter contre le mur, au bout des vingt-trois minutes. J'ai donc arrêté de me balancer et je suis allé m'asseoir à son bureau. Je crois que ça l'a fait rire et du coup il s'est assis à ma place et a commencé à se balancer. Je me suis tout de suite dit que mes parents rigoleraient bien quand je leur raconterais que le psychologue s'était mis à m'imiter. Je suis quand même resté raisonnable et je ne me suis pas mis à faire le pitre pour qu'il m'imite car c'est exactement ce qu'il espérait que je fasse.

     J'ai pris son stylo sur son bureau et j'ai commencé à gribouiller tout ce qui se trouvait dans le bureau, dossiers compris. En revanche, ça, ça ne lui a pas trop plu car il est venu m'enlever le crayon des mains rapido et comme j'ai bien senti qu'il n'aurait pas dû faire ça, je l'ai fait culpabiliser en me mettant à crier et à me secouer jusqu'à ce qu'il daigne appeler ma mère qui était restée dehors.

     Elle avait l'air contente quand elle est entrée, même si elle faisait semblant d'être effrayée et désolée. Elle a dit au psychologue qu'elle était navrée et qu'elle était persuadée qu'il fallait réessayer, que ça me faisait du bien. J'ai donc crié encore plus fort et le psychologue nous a presque mis dehors en nous disant qu'il pensait que c'était beaucoup trop tôt pour moi et qu'il tenterait une autre approche dans quelques mois.

     Une fois rentrés à la maison, mon père nous a sautés dans les bras en nous disant qu'il était très fier de nous, et que le plan de ma mère avait marché car nous allions être tranquilles quelques temps. J'étais ravi de ne pas avoir à revoir ce vieux psy aigri même si je sentais, au fond de moi, qu'il aurait pu m'aider. 

Je suis un actisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant