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     Plusieurs mois se sont écoulés sans qu'aucune ombre ne vienne noircir le tableau de mon bonheur. J'ai continué de voir Iliana chaque jour, ses parents m'accueillant avec plaisir grâce au bien que cela procurait à leur fille. Ils ne savaient pas que je lui embrassais le cou et les lèvres, et je crois que c'était mieux ainsi. Dès que nous étions seuls, j'en profitais pour lui raconter ma journée. Elle était ma bouffée d'air qui me permettait de survivre dans cet enfer. J'étais simplement heureux du temps que l'on passait ensemble et j'accomplissais avec rigueur et sérieux toutes les volontés de mes parents.

     Si ceux-ci étaient ravis de cette nouvelle docilité, il y en a une qui s'insurgeait de ce manque de rébellion. Ma sœur, Marie, qui avait bien grandi voulait pouvoir compter sur ce frère si protecteur à la maison, et si absent à l'extérieur. Elle commençait à saisir ce grand secret de famille et me reprochait quelques fois de faire le débile à l'extérieur alors que lorsque nous étions seuls, j'étais parfaitement normal. J'avais peur qu'elle compromette mon avenir avec Iliana et mette à mal mon désir de vengeance. J'éprouvais de la fierté à la voir se rallier à ma cause sans que je l'y invite, mais je savais que c'était peine perdue pour elle.


     Un jour, elle a littéralement refusé d'aller à l'école et a dit qu'elle ne bougerait plus jamais d'ici tant que l'on ne lui expliquerait pas pourquoi je n'avais pas le droit de l'y accompagner. Elle m'avait déjà vu me comporter bizarrement en ville, mais elle était encore petite car j'avais essayé de la préserver le plus possible. Je voulais qu'elle ne connaisse que la partie de moi que je ne truquais pas. On lui avait vaguement prétexté que j'étais phobique du monde extérieur, et cela lui avait suffi jusqu'à ce jour précis où elle campait sur le perron dans l'idée d'en bouger seulement si je l'accompagnais. J'ai prétexté un mal de tête insurmontable, et comme je ne lui mentais jamais, elle m'a cru et a décidé d'aller en cours. Elle était très brillante, avait déjà sauté une classe en primaire, et je ne voulais pas qu'elle compromette son avenir.

     Une fois qu'elle était sortie de la maison, mes parents m'ont remercié avec pudeur du scandale que je leur avais évité. Nous avons discuté et nous sommes tombés en accord : il n'était plus possible de mentir à Marie car elle allait finir par tout découvrir et cela nous causerait beaucoup de problèmes. J'ai alors pensé très fort à Iliana, et dans un effort surhumain et presque à contre cœur, je leur ai suggéré de placer Marie en pension, le temps que nous trouvions une solution, et pour s'assurer qu'elle ne lâcherait pas ses études à cause du climat qui régnait chez nous. Ils ont trouvé que mon idée était la bonne, et pour sa rentrée au collège, elle a bouclé sa valise pour un temps indéfini, en direction d'un établissement avec internat qui avait une très bonne réputation. Mes parents, avec une telle aisance à manipuler les gens, sont même parvenus à lui faire croire que l'idée de partir étudier dans un internat venait d'elle. C'est donc le sourire aux lèvres et ravie, qu'elle partit pour une nouvelle vie à l'autre bout du pays. 

Je suis un actisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant