Ma mère m'avait chuchoté dans l'oreille que je pouvais parler et regarder Iliana quand personne ne nous voyait, car de toute façon elle était autiste donc ne me jugerait pas. J'ai trouvé ça curieux mais je me suis dit que ça me donnait quelques moments de liberté à ne pas faire attention à mes moindres mouvements. Nous nous sommes donc dirigés vers une petite cabane en bois dans la cour, et nous avons commencé à jouer ensemble. Enfin, je ne sais pas si on peut appeler ça jouer, car Iliana ne m'a pas parlé ni regardé de tout l'après-midi. Moi, au contraire, je n'arrêtais pas de l'observer. Je n'avais jamais pu détailler un visage inconnu aussi longtemps alors je prenais beaucoup de soin à m'attarder sur chaque détail.
Iliana avait les cheveux marron clair, elle portait des lunettes qui étaient attachées à sa tête par un élastique. Elle avait une belle jupe, des baskets à lacets et un tee-shirt rose avec un gilet blanc. Elle était très belle et j'avais du mal à ne pas rougir en la fixant ainsi. Elle, elle n'a pas levé une seule fois les yeux vers moi, mais était occupée à caresser le sable par terre. Je crois que ça a duré des heures. Pour m'occuper, je chantais dans ma tête, je comptais ces pois sur sa jupe, ou encore je faisais semblant d'être barman et je lui réalisais plein de cocktails avec des mélanges de terre, d'herbe, de sable et d'eau.
Mon père est venu me chercher un moment après. Il m'a pris par la main et comme il a vu que j'étais très détendu il m'a fait son regard noir qui me terrorise. J'ai baissé la tête et traîné des pieds. J'étais un peu triste de quitter Iliana et je crois qu'elle aussi car dès que je suis parti elle a attrapé le shaker que j'avais rempli de sable et d'eau et s'est mise à le secouer comme pour imiter ce que je faisais quelques secondes auparavant.
A ce que j'ai compris dans la voiture sur le chemin du retour, il y avait énormément de monde au loto et mes parents ont gagné énormément d'argent. Moi, je n'avais rien vu car quand mon père est venu me chercher dans la cabane j'ai eu tellement peur qu'il me réprimande que j'ai caché mes yeux avec mes mains jusqu'à ce qu'on arrive dans la voiture. J'ai bien entendu plusieurs voix me dire au revoir mais je ne les ai pas comptées. Mes parents ne m'ont même pas demandé si tout s'était bien passé avec Iliana et j'étais bien content qu'ils oublient car j'avais peur que mes joues se mettent à rougir à l'évocation de son prénom. Pour la toute première fois de ma vie, j'avais été naturel avec quelqu'un de mon âge, et surtout, une fille. Elle avait ce petit truc en plus que moi je n'avais pas et que tout le monde croyait que j'avais. J'ai vite compris pourquoi mes parents tenaient absolument à ce que l'on fasse croire que j'avais l'autisme, car ça rendait les gens merveilleux vu qu'Iliana était merveilleuse.
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Je suis un actiste
Teen FictionJe m'appelle Oscar. A trois ans, je ne parlais toujours pas. Des spécialistes m'ont tracé mon avenir. Ma spécialité c'est l'autisme. Sauf qu'un jour je me suis mis à parler, j'étais en pleine forme. Seulement un peu fainéant. Soulagement de mes...