Depuis le jour du DVD pornographique de mes parents, je me sentais mal à la simple idée de croiser leurs regards. Je sortais toute la journée, prétextant aller en cours, alors que je n'y allais plus depuis des semaines. Il me fallait respirer, m'évader, et ils ne s'inquiétaient guère de ce qui pouvait m'arriver, tant que je ne les trahissais pas.
Alors, chaque jour, je rentrais un peu plus tard, prétextant un cours qui se terminait en retard, un examen surprise, une bagarre dans les couloirs, etc. En réalité, je passais mes après-midi à flâner dans les parcs ou dans les musées. Je prenais le métro et j'allais à l'autre bout de la ville, celle où j'étais le moins susceptible de croiser des connaissances de mes parents. Comme j'avais beaucoup changé, je ne ressemblais plus au petit garçon qui surplombait les murs de la ville sur les affiches de l'association. J'étais libre de circuler en toute tranquillité. Au début je faisais attention de rentrer bien à l'heure, puis plus les semaines passaient et plus je retardais le moment où il fallait rentrer.
Dans chaque parc, j'observais, les yeux pleins d'étoiles, toutes les variétés, plus sublimes les unes que les aux autres, de fleurs. Je m'asseyais sur un banc et je laissais les parfums envahir mon être. Puis, le plus souvent, des couples se baladaient main dans la main, entre rires et tendresse. Je les suivais du regard, envieux, rêvant pouvoir me promener au bras d'Iliana. Je finissais toujours par me dire qu'un jour je m'échapperais avec elle. Je savais qu'elle serait en sécurité avec moi, et surtout, je savais qu'elle serait heureuse. Il n'y avait qu'à la regarder quand je passais mes mains dans ses cheveux. Son souffle s'accélérait, son regard fixait ma bouche et je pouvais l'embrasser sans crainte, elle s'offrait à moi.
Au lieu de profiter de tous ces plaisirs, je fuyais ma maison, mes parents, Iliana que je ne voyais que le week-end, pour me retrouver seul dans ces lieux publics et envier la vie des autres. Ces autres qui n'avaient pas besoin de mentir à tout le monde, de se cacher pour rire, se cacher pour chanter, pour vivre.
Un soir, m'enivrant de ces vies qui n'étaient pas la mienne, je n'ai pas vu le temps passer et je suis arrivé très en retard chez mes parents. Il faisait déjà nuit. Arrivé au coin de la rue, je vis des gyrophares devant la maison. Mon cœur se mit à accélérer si fort que j'aurais pu courir à l'autre bout du monde sans même m'essouffler. J'envisageai cette solution quelques secondes mais mon instinct me dicta de rester. Je suis donc rentré dans cette maison qui grouillait de policiers, faignant une attitude nonchalante, les yeux rivés sur le sol, des grognements entre les dents. Quand ma mère m'a vu arriver elle a fondu en larmes en me prenant dans les bras. Elle m'a secoué plusieurs fois en me disant qu'elle s'était inquiétée pour moi. J'avais compris qu'elle jouait la comédie pour éblouir certains voisins qui observaient toute la scène.
Constatant que j'étais de plus en plus souvent en retard, et pour ne pas éveiller les soupçons des voisins, elle avait eu l'idée d'appeler la police pour signaler ma disparition. Vu mes antécédents médicaux, les policiers ont pris l'affaire au sérieux et plusieurs patrouilles me cherchaient. Après mon arrivée, essayant pour la forme de me demander où j'étais, et face à mon mutisme, les policiers sont repartis, conseillant à mes parents de me surveiller plus attentivement.
Ma mère, avec son plan improvisé, avait tout de même réussi à apitoyer quelques membres de l'association, qui n'hésitèrent pas à mettre la main au porte-monnaie pour aider mes pauvres parents à mettre en place des solutions pour ne plus que je me « perde ». Elle avait pour projet d'acheter un kit GPS que je devais toujours porter sur moi pour ne jamais perdre ma trace. Ce kit, extrêmement coûteux, pouvait changer ma vie et lui permettre de dormir tranquille. Enfin, ça, c'est ce qu'elle disait à tous ses fidèles. Car en réalité, avec cet argent, elle s'acheta de sublimes parures de bijoux hors de prix. Celles que j'avais trouvées, un jour, en rangeant la table à repasser dans le placard du salon.
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Je suis un actiste
Teen FictionJe m'appelle Oscar. A trois ans, je ne parlais toujours pas. Des spécialistes m'ont tracé mon avenir. Ma spécialité c'est l'autisme. Sauf qu'un jour je me suis mis à parler, j'étais en pleine forme. Seulement un peu fainéant. Soulagement de mes...