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     Finalement, j'avais décidé de faire la grève de la faim. Comme je n'aimais pas particulièrement manger, les premiers jours ont été faciles. Mais au quatrième jour, mon corps était devenu si faible que je n'arrivais plus à sortir de ma chambre pour aller aux toilettes. Et puis à quoi bon aller aux toilettes quand on n'avait rien avalé depuis des jours... Je buvais quelques fois en cachette car je sentais que mes parents n'allaient pas réagir assez rapidement, et je ne voulais pas flancher sans même avoir vu dans leurs yeux la frayeur.

     Comme je buvais toujours de l'eau, j'ai pu tenir encore quelques jours. Mes parents étaient persuadés que c'était une provocation et se disaient que je devais m'empiffrer de cochonneries dès qu'ils avaient le dos tourné. C'est ma mère qui s'est inquiétée la première quand elle a remarqué que je peinais à parler. Mes yeux étaient devenus vitreux et je luttais pour les garder ouverts. Si je n'avais pas eu une telle volonté à voir l'inquiétude dans son regard, je pense que je serais tombé bien avant. Quand elle m'a trouvé dans ma chambre dans un piteux état, elle a appelé mon père, des sanglots dans la voix. J'esquissai un léger sourire, fier qu'il existe dans son cœur un semblant d'amour pour son fils. Quelques secondes après, quand mon père est arrivé, elle lui a dit qu'il fallait faire quelque chose, car si je mourais de faim, ils seraient accusés de mauvais traitement et seraient jetés en prison. C'était donc ça ce semblant de sentiment qu'elle éprouvait pour moi, la peur de perdre son gagne-pain, la peur de finir en prison, mais pas celle de perdre son fils. Anéanti par cette nouvelle découverte, mon corps a lâché et mon esprit s'est complètement envolé. J'avais l'impression d'atterrir dans un monde léger, sans problème. Mon corps flottait dans des nuages blancs, une lumière éblouissante surplombait l'horizon.

     Je me suis réveillé deux jours après dans un lit d'hôpital. Ma mère était à mon chevet, elle avait porté un miroir devant ses yeux, et se maquillait les paupières en faisant couler son mascara pour donner l'air d'avoir pleuré toute la nuit. Quand elle a vu que j'étais réveillé, elle a aussitôt posé son miroir, rangé son crayon et m'a pris dans ses bras en criant alléluia. Elle était très mauvaise actrice mais les infirmiers n'ont pas dû le remarquer car ils sont arrivés en courant dans la chambre en hurlant au miracle. J'étais abasourdi par tout ce remue-ménage, et ma mère a du s'en apercevoir car elle leur a poliment demandé de sortir après les avoir remercié mille fois du travail qu'ils avaient accompli.

     Une fois seuls dans la chambre, elle m'a regardé les yeux pleins de reproches, m'a interdit de m'amuser à arrêter de manger et m'a juré que si je continuais j'étais bon pour l'asile, même si elle perdait un peu d'argent. Un frisson a parcouru mon corps. J'ai senti qu'elle ne bluffait pas. 

Je suis un actisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant