— L'avion va bientôt décoller, merci et bon voyage.
Pressés, nous parcourons avec hâte tout l'aéroport. De peur de rater l'avion. Mon père gueulait sur ma belle-mère et moi. Ma complicité avec elle s'était installée depuis la mort de mon frère.
On s'installa enfin dans l'avion. Je me plaçais à coté de la fenêtre, loin de mon père. Tout le long du voyage, je regardais les nuages, les oiseaux voler, je me perdais dans le bleu intense du ciel. Je regardais le paysage défiler, pensais à tout ce que je laissais derrière moi. Abandonnant ma vie d'enfant, entrant dans ma vie de jeune adulte. La cloison de verre me séparait des nuages, me séparais de cette liberté.
Ma liberté.
Cette liberté que je n'aurais jamais. Mon père était cette cloison, sans porte, sans issue. Depuis la mort de mon frère, cet exutoire avait disparu avec lui. Je me retrouvais seul, sans sortie de secours. Face au mur, un mur de pierre indestructible. Du moins, je n'avais aucun moyen de le détruire...*******
Après huit heures de trajet, nous arrivons enfin à destination. Le vol était dépourvu de tout confort.
— Nous sommes le 13 juillet, il est midi et la température extérieure est de 32 degrés. Mesdames et messieurs, bienvenu à Los Angles !
Los Angeles...
Je me levai de mon siège, les jambes engourdies. Je n'entendais pas les injures de mon père face aux hôtesses de l'air, je m'en contre fichais. Une chaleur insupportable contenait l'air de tout l'aéroport.
J'espérais pouvoir enfin vivre ma vie comme je le souhaitais ici. Oui, à mes seize ans, je voulais rattraper le temps perdu à me morfondre de la mort de mon frère et arrêter de pleurer cette solitude. Je m'étais reconverti à la musique. Je voulais faire hommage à mon frère en le succédant de son art. Je m'étais aussi mis à jouer du piano avec celui de ma mère. En cachette, l'ancienne chambre délabrée était devenu ma pièce favorite. J'aime la musique, quand j'en joue, j'ai l'impression que mon frère est présent, qu'il n'est pas loin... Mais mon père, lui, n'aime pas. Sûrement parce que ça lui rappelle son fils défunt.
Un déménagement est toujours compliqué, surtout quand on change de continent. J'étais bon en anglais, j'arriverai facilement à m'adapter. Un taxi nous récupéra pour nous emmener dans notre prochain domicile. J'avais le trac, j'avais peur de ne pas aimer notre appartement - car oui, il ne m'avait rien montré.
Bel-Air... C'était le quartier où j'allais finir mes années de lycée.
Arrivé à destination, ébloui par une immense demeure, je regardais autour de moi. Dans notre lotissement, que des villas comme la nôtre. Cet endroit eu le don de m'écoeurer... Toute cette richesse dépensée dans des piscines, des jardins, des voitures... Est-ce là que j'allais vivre ? Est-ce là que j'inviterai mes futures amis, passerai mes prochains Noëls, jouerai mes futures compositions et dessinerai mes nouvelles esquisses ? Le dégoût me remonta à la gorge. J'était simplement déçu, attristé à l'idée de dormir chaque nuit ici... Mais bon, ça aurait pu être pire, au moins là, je n'aurai aucun besoin.
Mes parents avaient les yeux ébahis. Ils pétillaient de bonheur. Je dévisageais mon père, il me le rendait. C'était notre contact préféré. C'était plus simple de trouver une excuse pour ne pas s'occuper de moi, pour ne pas m'aimer. « Tout est de ma faute. »*******
Quelques jours après notre installation, ma belle-mère m'avait fait plaisir en incrustant le piano de ma mère dans ma chambre. Ce geste était à l'encontre de mon père, mais au fond, il s'en foutait. Moi, ça m'avais rendu heureux. Le piano de ma mère et la guitare de mon frère.
Ma chambre était parfaitement rangée. Très grande, avec un dressing et une salle de bain.
Quelques voisins nous avaient souhaité la bienvenue. Mais la maison d'en face m'intriguait beaucoup. Personne n'avait daigné nous accueillir.
Ma curiosité me tuera, mais j'étais motivé pour aller me présenter. J'étais sociable, extraverti et gentil. Il n'y avait aucune raison que l'on me jette. J'avais envie de faire bonne impression dans le lotissement. J'allai enfin y parvenir.
J'avais travaillé une phrase d'accroche, je me sentis un peu ridicule mais bon...
Je constatai qu'il y avait des gens dans la maison. Les lumières à l'intérieur me le confirmaient. Il était vingt-et-une heure. J'avais peur de déranger, mais je ne voulais pas faire demi-tour. Je me retrouvai devant la grande porte d'entrée. Je toquai et une femme éblouissante m'accueillit.
Une trentenaire, cheveux châtains, yeux bleus cristal, sourire parfait accompagné d'une denture lumineuse. Elle était grande, très mince. Je devinai des traits de danseuse et surtout de mannequin. Elle avait l'air terriblement gentille. Et elle l'était.— Bonjour, je suis votre nouveau voisin d'en face, fais-je avec mon plus beau des sourires.
— Oh oui bonjour, je n'avais pas remarqué que les nouveaux résidents étaient déjà arrivés... Je suis désolée, si j'avais su, je serais venue de moi-même... dit-elle en culpabilisant. J'imagine que tu n'es pas seul à habiter dans cette maison ! ironisa t'elle.
— Pas de soucis, je voulais vous informer de notre arrivée. Non en effet, j'habite avec mes parents.
— Oh mais rentre, je ne voudrais tout de même pas te laisser sur le paillasson !Elle me fit rentrer. Je m'assaillis sur son canapé de cuir blanc contemporain. Elle me servit un jus de pomme, bien qu'il soit vingt-et-une heure, un jus de pomme n'était pas de refus. L'impression de retourner à l'enfance m'amusais.
— Alors madame...
—Mills, mais pour notre nouveau voisin, ce sera Sharon.Elle échappa un doux rire plein de courtoisie.
— Alors Sharon, vous vivez seule ici ?
— Non, j'ai mes enfants. Mon fils Sean et ma petite fille Shay. Et Brandy aussi !
— Brandy c'est votre mari ?
— Le chien !J'avais de nouveau, droit à son rire angélique. Je ris avec elle.
— Et toi comment tu t'appelles ?
— Baptiste. Baptiste Phills.
— Oh Baptiste ? Ce n'est pas d'ici !
— Non, je suis de Paris.
— Paris ? J'adore Paris ! Cet accent... Je me disais bien que tu n'étais pas d'ici !Je souris à mon tour.
— Alors quel âge as tu Baptiste ?
— J'ai seize ans.
— Comme mon fils Sean !
— À oui ?
— Oh oui, il est chez un ami ce soir. Mais vous ferez connaissance dès qu'il reviendra ?
— Oui !J'étais content qu'il y eût quelqu'un de mon âge ici.
— Et votre fille ?
— Elle dort en ce moment, mais elle, elle n'a que neuf ans.
— Ha d'accord, elle est jeune !
— Oui elle est jeune, mais pleine d'énergie ! Et toi, as tu des frères et soeurs ?Mon estomac se contracta, je décidai de mentir pour ne pas laisser place au malaise.
— Non, je suis fils unique !
— Haa, c'est bien aussi ! Hihi.Cette femme me rendait vraiment à l'aise. Elle était d'une sensualité folle.
— Bon, il se fait tard. Je ferrais mieux de rentrer chez moi ! Au revoir !
— Ho oui, au revoir Baptiste ! Passe quand tu veux surtout !Je repartis chez moi, serein et soulagé de l'accueil de ce foyer.
Il était certes un peu tard, mais la façon dont mon père m'accueillît était un peu trop sèche.— T'étais où ?
— Me présenter aux voisins d'en face, tout simplement.
— Ha oui ? À vingt-deux heures ?
— Oui.Je partis dans ma chambre après avoir fusillé mon père du regard. Je n'avais simplement pas envie d'essayer de le convaincre. Ce serait inutile, et j'y gagnerais quoi ?
Je montais dans ma chambre, pris une douche et me brossais les dents. Je me glissais en boxer dans mon lit. Les fenêtres ouvertes échappaient une brise fraîche qui m'endormit rapidement.
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GIVRE
RomanceBaptiste, un Français qui arrive à Los Angeles, dans les quartiers de Beverly Crest. En face, la maison des Miller. Dedans : Sean. C'était le garçon typiquement américain ; cliché dirait-on. Bonne réputation au lycée, sportif, beaucoup d'amis. Mais...