Chapitre 6 : d'une dispute et d'un ton sec

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        La réaction de Sean me laissa toujours une sensation d'amertume. Assis sur la moquette de ma chambre, au pied de mon lit, je repensais encore et encore. Je n'arrivais pas à m'enlever de la tête son image. Son visage colérique, trahit. Il n'avait voulu rien me dire pendant le trajet, ne répondait pas aux messages ni aux appels. Il s'était renfermé. Je voulais savoir, mais je ne voulais pas pousser trop loin. Il me le dira quand il le voudra. Enfin s'il voudra un jour... Je ne supportais plus.   
       Pourquoi ? Ça me rendait fou ! 3 mois... 3 mois que je le connaissais. Et pourtant...
        « 15h23 »...
        Ça faisait déjà 1 heure. Une heure que je passais à me morfondre. Cette douce moquette, ce silence insoutenable. La chaleur me séchait la gorge. Ou n'était-ce pas ça après tout...      
        Je maudissais Abbi.. J'étais persuadé qu'il l'aimait lui aussi. Je la jalousais en fait. Pourquoi? Elle n'avait rien fait. Et puis elle était tout le temps avec moi.
       Trop de questions m'envahissaient le crâne. Los Angeles... C'était comme ça que je commençais ma nouvelle vie ?   
       C'était pitoyable.
Ce garçon... Sean. Je bénissais le ciel pour m'apporter un peu de grâce... Pour m'avoir apporté cette présence. Mais à quel prix ? J'étais amoureux...
        NON.
       Il fallait que j'arrête de penser à lui.      J'en avais mare. Après tout... Ce n'est pas comme si je le connaissais depuis toujours. Soit.

********

       Je jouais. Je rasais les cordes. Cette guitare qui avait tant d'importance pour moi. J'en jouais que quand c'était nécessaire. J'en jouais comme si à travers les mélodies, je communiquais avec mon frère. Lui demander conseil. Ça me fortifiait, me rendait plus courageux.
        D'un saut, je bondis sur mes chaussures et enfilait un T-shirt. J'allais le voir. Pas pour lui avouer, mais pour lui apporter soutient. Il était mal, que je le veuille ou non, ça m'affectait. Je pouvais tout faire pour lui. Par amour ? Non.
        Simple amitié.

       Je sonnais. Cette porte qui m'était si familière. Elle me stressait à ce moment même. Après cinq tentatives, ce mutisme m'était insupportable. La porte était ouverte. Sa mère n'était pas là. Alors il n'allait pas me faire croire qu'il n'était pas là lui aussi. J'entrais enfin.
       Ce salon... Si moderne, inspirant la richesse et la luxure. Il m'était tellement agréable de mettre mes pieds ici. Ce parquet en bois pur. Ces tapis français Bougainville d'un tissage parfait. Ces canapés de cuir banc. Tout était assorti. Harmonieux. Magnifique tout simplement. Mais admirer n'était pas la raison pour laquelle j'étais ici.    
       C'était Sean.

       Je montais. Parcourais les marches de l'escalier en colimaçon.   
       Interminables. J'étais en haut. Devant sa porte. Aucun bruit. Aucun son. Je toquai. Personne. Pensant qu'il n'était pas dans sa chambre, je rebroussais chemin. J'allais chercher dans une pièce.

       « Baptiste ?! ». Cette voix... Ces syllabes maintenant si bien prononcées. Je me retournai immédiatement. Par peur ou par joie ? Par soulagement sûrement.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Euh.. Je voulais... Te voir.. Enfin... Voilà quoi...

       Mais je faisais quoi là ? Il avait tant d'effets sur moi ?

— Bah je suis là.

       Son acrimonie n'était toujours pas passée. Elle le rendait froid. Mon sang se glaça rien qu'à la vue de ses pupilles. Grises... Sans aucune émotion. Je les voyais noires. Sombres. Ténébreuses. Malgré leur clarté. Aucune clairvoyance.

— Heu... Je peux rentrer dans ta chambre, ou tu comptes me laisser dans le couloir ? J'essayais d'intégrer de l'humour. Visiblement, ça ne marchait pas...
— OK.

       Je me posais sur le lit sur lequel j'avais passé mes soirées en sa compagnie. Le ventre soudé, le cerveau en ébullition, la gorge nouée. Je n'arrivais à sortir aucun mot. Bloqué. Dans la gueule du loup blanc. J'étais dans mes pensées... Devais-je lui dire ? Non.
        Comment pourrais-je lui dire de toute façon ? « Tient je t'aime ! »...

— Bon tu veux quoi ?

       Il me sortit de mes réflexions.

— Euh... Dans le bus t'étais... Énervé.
— Et alors ? J'ai aussi des sentiments, je suis un être humain à ce que je sache...
— Oui c'est sur. Mais pourquoi ?
— J'ai mes raisons.
— Tu veux pas m'en parler ?
— Non, sinon je l'aurais déjà fait tu crois pas ?
— Bah... Je sais pas...
— Voilà. Tu ne sais rien.

       Sa façon de me répondre me rendait furieux. J'étais dans une rage que je contenais. La dernière chose à faire c'était de s'énerver.

— Si tu me disais les choses, peut-être que...
— Mais je veux rien te dire !!

        Les larmes aux yeux, il commençait à craquer. Moi aussi j'étais à bout. Il m'avait bien fait comprendre qu'il ne voulait pas de moi. J'acceptais. Le coeur désamorcé, j'avais l'impression qu'il ne battait plus.

— Très bien...
— ...
— Si c'est la dernière chose que tu voulais rajouter, à demain.
— C'est ça...
— Tu sais, si c'est Abby qui te rend dans cet état, je te la laisse.

       Ces yeux humides s'écarquillaient. Il était pétrifié.

— Si c'était aussi simple...

       Je partis sans me retourner. Je pensais tout le reste de la journée à ses derniers mots. Elle ne l'intéressait pas. Mais alors pourquoi ?

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