Chapitre 17 : d'un flocon et d'Einstein

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Baptiste :
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    Tout le monde dort. Moi ? Bien sûr que non... Pourquoi ? Ça... je ne sais même pas...

    Je regarde le plafond, noir, assombrit, avec seulement des rayons de lune formés en rayure à cause du volet. J'ai un peu froid... Je regarde à ma droite, Abraham dort avec sa couette seulement sur les fesses et sa jambe gauche, lui, il dort c'est sûr. Je me retourne vers la gauche, Sean dort lui aussi, enfin je crois... Sa respiration est silencieuse, il est paisible. Comment fait-il ? Je veux dire, après ce qu'il s'est passé... Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à tout ça, tout s'est passé trop vite.

    Vu la nuit que je risque de passer, je préfère me lever. Je me dirige vers le salon avec un mutisme assez déplorable, mais je ne réveille personne, heureusement. Après avoir bravé les nombreuses fringues par terre, pris ce putain de pied de lit contre mon petit orteil, et m'être pris la porte du salon — que je croyais ouverte... — sur la tronche, j'arrive enfin dans le salon.

    Il fait encore un peu chaud. La braise de la cheminée encore attisée par l'air étouffant qui embaume la pièce, malgré qu'il fasse légèrement froid, calcine encore faiblement. Je me dirige vers la fenêtre, me pose devant elle, sur le fauteuil, mon coude établi sur le rebord, servant d'appui-tête, je regarde la neige tomber. Même dans la nuit, je les distingue. Les flocons tombent par milliers, se déferlant sur le long tapis blanc de la montagne, qui fondent une fois aplatis sur le verre de la vitre. La lune arrive à dévoiler son claire de lune malgré les nuages épais.

    Quand un flocon se pose juste devant moi, se désintégrant là, juste là, je repris conscience alors que j'étais bercé par ce doux spectacle, banal me diriez-vous, mais tellement guérissant.

    De quoi avais-je peur encore une fois ? Mon père ? Non, sûrement pas... En soi, ma famille ne me fait pas peur. Même si je sais qu'elle a énormément de pouvoir. C'est tous des homophobes, alors oui, je ne serrais pas le bienvenu dans l'entreprise et ça serrait à ma guise au final... Alors ce n'est pas de ma famille que j'ai peur. Alors de quoi?

    Je me souviens de cette phrase que m'avait dit Abraham : « avant t'avais peur du rejet, maintenant t'as peur d'avancer. ». C'est sûrement ça.

    Je sais que Sean m'aime maintenant, enfin je crois. Mais ce n'est pas ce que je voulais, j'aurais sûrement préféré qu'il me rejette et que l'on soit plus ami, comme ça, je n'aurais pas à vivre avec ce malaise... Quoique, le rejet aurait établi un autre malaise au final...

    Je regarde une nouvelle fois la fenêtre en y poussant un soupir. Sean m'aime alors... Ses mains sont dans un piteux état, je sais ce qu'il a fait, et je n'aime pas vraiment ça. Je le fais surement souffrir, mais il faut que je me préserve en priorité, malheureusement j'ai appris à être égoïste depuis mon frère.

    Je sens une présence derrière moi. C'est lui. Il me regarde, un air frustré, presque méprisant. Après réflexion, il est méprisant. Il m'en veut, ça c'est sûr. Il se dirige vers la cuisine, se sert un verre d'eau, moi, je ne le lâche pas des yeux. Il me tourne le dos pour boire et pose son verre ensuite. Il retourne dans sa chambre, sans m'adresser un regard.

— Sean...

    Son prénom est sorti instantanément.

    Il s'arrête à l'huisserie de la porte, toujours de dos. Il attend sûrement une autre intervention de ma part, mais je n'arrive plus à dire quelque chose...

    Il retourne sa tête, juste sa tête. Son profil est à moitié caché par son épaule gauche. Son regard s'ancre dans le mien, sa mâchoire se crispe, ses poings sont serrés. Son regard ne dura que quelques secondes, et il repartit dans la chambre. J'en peux plus de ne pas avoir de courage.

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