Ne me résiste pas

32. Se laisser aller

Jenna,

Maison des Thêtas,

Forcément ! Il n'est pas venu me voir parce que je lui manquais ou pour s'excuser d'avoir été un connard ce premier semestre. Non ! Il est venu parce qu'il veut des ragots. Il veut savoir de quoi est faite la famille Stone.

Avec colère, je me lève et commence à faire les cents pas.

— Je sais que ça ne me regarde pas, Jenna, mais...

— Mais quoi ? je crache. Tu veux des rumeurs ? Tu veux connaître mes secrets ? Pour quoi faire, Ryan ? Pour les raconter à tous le monde ?

— Je ne ferais jamais une chose pareille, Jenna ! Je sais que je ne t'en ai pas donné l'impression, mais je sais garder un secret. Tout ce que tu me diras ne sortira pas d'ici. Je te le promets sur l'âme de ma sœur. J'ai juste besoin de te comprendre.

Je me fige et le fixe avec scepticisme. Il veut me cerner ? Savoir qui je suis réellement ? Au point de jurer sur l'âme de sa sœur disparue ? Waouh ! Ma fierté se regonfle d'un coup mais je reste méfiante.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas. J'en ai besoin, c'est tout.

Et ça ne semble pas lui faire plaisir. Il veut connaitre mon histoire car elle a titillé sa curiosité, car elle ébranle l'image affreuse qu'il s'était fait de moi. Je dois au moins avouer qu'il reconnaît ses torts et qu'il cherche à les réparer. Est-ce parce qu'il est un bon garçon, au fond ? Malgré tout le mal qu'il m'a fait, je n'en ai jamais douté. S'il était mauvais, il aurait profité de moi pour m'abandonner le lendemain en criant sur tous les toits que je suis un mauvais coup ou une fille facile. Mais il n'en a rien fait alors que je me suis carrément jetée dans ses bras en lui faisant des propositions honteuses comme je n'en ai jamais fait à quiconque.

— Très bien, je dis en me rasseyant près de lui. Je te le dis si tu me dis pourquoi tu me hais autant.

Ses yeux s'arrondissent de surprise.

— Je ne te hais pas... enfin, plus.

Je reste silencieuse mais mon regard dit tout : parle coco ou je te fous dehors. Il pousse un gros soupir qui effleure mon visage. Je me penche instinctivement vers lui. Mon attirance est telle que mon corps réagit de lui-même. Je suis dans de beaux draps. Mes yeux sont plongés dans son regard noisette et y cherche les trésors pailletés, avant de descendre sur sa bouche charnue qu'il humidifie du bout de la langue. J'en ai l'eau à la bouche.

— Tu ressembles aux filles qui maltraitaient ma sœur avant sa maladie.

— Quoi ?

Je me raidis de tout mon être avant de m'écarter de lui. Il attrape brusquement mes mains et me retiens.

— Oui, tu sais, ces petites filles de riches pourries gâtées par leur papa à qui tout leur sourit et qui se croient au-dessus de tout le monde ?

— Vous n'étiez pas riches vous-même ?

Il détourne la tête vers la fenêtre et se perd dans la contemplation de la nuit noire.

— Etonnement, mon père a amassé son premier million une semaine avant que l'on apprenne que Dawn était malade. C'est comme si le hasard voulait qu'on ait les moyens de la sauver, mais pas les pouvoirs.

— Sa leucémie était à un stade avancé, c'est ça ?

La tristesse de son visage et l'impuissance de son regard m'amènent les larmes aux yeux. Je serre ses mains dans les miennes, geste qui semble le surprendre avant qu'il ne s'y accroche comme à une bouée de sauvetage.