Émotive

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Laura était descendue de la moto, trêve de plaisanteries, il fallait maintenant se concentrer sur la fin du rangement et le meurtre de son père. En entrant dans la maison, elle observa tous les petits détails de la maison et s’en imprégnait, bientôt tout sera fini et elle ne reviendra plus jamais ici. La petite maison était presque vide, le ménage et le tri de ces derniers jours ne cessait de la désemplir. Bientôt il n’y aurait plus de souvenirs ici, ni de secrets, de joie et de peine. Quand elle remonta, par réflexe, ses manches pour se mettre au travail, Orson fronça les sourcils: son poignet avait une teinte violacée. Des hématomes étaient apparus, c’était donc ça le “petit problème” qu’elle avait eu. Quand Orson pointa du doigt les marques, Laura énonça les faits avec encore un soupçon de crainte dans la voix. Elle n’était pas prête à oublier ce qui s’était déroulé, ni le sauvetage in extremis de Theos. Orson, la regarda calmement avant de s’exprimer:

“ - Tu as eu de la chance. Dis-moi il ressemblait à quoi?

  - Je ne l’ai pas bien vu, il était presque aussi grand que toi, plus vieux. Il faisait sombre je n’ai pas trop de détails, désolée.

  - Qu’est-ce que tu faisais aussi tard dehors? Sans portable?

  - Je l’avais oublié et je sortais Theos, je te rappelle.

 - Tu es un peu inconsciente de l’avoir oublié tu sais, Theos ne pourra pas te sauver dans toutes les situations.

  - Je sais, merci Orson!”

Sa voix avait résonné dans le salon, Laura était suffisamment énervée après l’homme pour qu’un autre en rajoute une couche.  Orson n’avait pas osé continuer la conversation, cela ne servait à rien de la poursuivre, elle se serait mise dans tous ses états. La rage remontait à la surface dans l’esprit de Laura, un peu envers l’homme avec qui elle partageait la pièce, mais plus envers elle même et son agresseur. Elle savait qu’elle avait pris des risques inconsidérés mais ce n’était pas la peine de le lui rappeler, sa conscience s’en chargeait. Elle aurait aimé être un homme parfois ou au moins pouvoir se défendre seule. Au bout d’un quart d’heure Orson était las du silence qui régnait dans la pièce, et se mit à narrer toute l’histoire concernant l’affaire trouvée à la cave.

Si Laura avait le moral au plus bas, cette histoire l’avait achevée. Cet avocat décrit par Orson, un homme avide d’argent et corrompu, ne correspondait pas au père qu’il était. Tout son parcours, son enfance, son adolescence, tout s’était effondré d’un coup, elle aussi d’ailleurs. Elle s’était recroquevillée sur le canapé, dévastée. Orson, dépassé, resta debout, adossé au mur. Il ne savait pas quoi faire ou même dire pour la réconforter, les émotions n’étaient pas son domaine de prédilection. Il se contentait de respecter le lourd silence de la jeune femme, c'était ce silence tendu, l'émotion presque palpable. Il s’était dit qu’il avait sûrement eu  tort de lui dire ces vérités mais il fallait qu’elle le sache un jour ou l’autre. C’était dans son intérêt, et puis elle pouvait au moins deviner le mobile du meurtrier.

Laura éclata violemment en sanglots, elle avait eu foi en deux hommes dans sa vie aucun des deux n’était clair et honnête. Elle pleura sa vie passée, son enfance, ce père aimant et maintenant haï, cette mère absente, cet ex-mari honteux et la vie qu’elle aurait pu avoir si rien de cela n’avait eu lieu. Elle avait également pleuré de rage et de peur pour l’événement d’hier, pour sa vie actuelle et pour sa solitude. Il fallait faire redescendre la pression, évacuer ce qu’elle avait accumulé, briser les digues qui retenaient le flot perpétuel de ses émotions. Elle n’avait jamais aussi mal réagi, mais il fallait qu’elle se lâche. Orson la fixait sans un mot, il savait qu’elle n’arrivait plus à mettre sa douleur de côté, elle ne pouvait pas la faire sortir en usant de paroles. Il la laissa pleurer pendant un long moment.

Une heure ou même deux passèrent, les larmes s'étaient taries. Ils étaient restés dans la même position, Laura était toujours sur le canapé et Orson avait les muscles douloureux et vissés au mur. Il ne l’entendait plus pleurer, il se dirigea vers elle et constata qu’elle avait cédé à une forme de fatigue, celle ressentie après les pleurs. Il se chargea de la mettre dans une posture plus confortable, par chance le canapé était grand. Il chercha une couverture dans les chambre et la recouvra avec. C’était le moins qu’il puisse faire pour elle avant de partir, en s’assurant que la maison était bien verrouillée.

OrsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant