La fille du bar

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Lorsqu’il rentra chez lui, le coeur n’y était pas. Cette scène l’avait vraiment troublé, il regrettait de ne pas avoir eu les bons gestes, ceux d’un ami. S’il voulait une amélioration c’était plutôt raté, mais au combat quand ça ne va plus une bonne claque dans le dos, une blague bien grasse ou un remontant et on n’en parlait plus. Ici, il savait que ça n’allait pas être la bonne solution, mais l’apport de réconfort n’était décidément pas son point fort. Parmi les choix précédents, Orson avait décidé de prendre un remontant, se sentant lui-même mal.

À peine rentré, il avait déjà quitté son domicile. Il marcha pendant quelques minutes avant de trouver une boîte de nuit, c’était le débit de boisson le plus proche mais l’un des plus fréquenté. Ça ne l’attrayait pas mais pour cette nuit, cela allait faire l’affaire. Entre un homme et un couple, il s’était trouvé une place au comptoir. Juché sur le tabouret de bar, il commanda son éternelle pression, blonde, amère. Ce n’était pas un grand buveur, il ne distinguait pas une piquette d’un grand cru, de toute manière il n’aimait pas le vin. La bière, en revanche, était son nectar divin en temps de crise. Le “toc” particulier du verre sur la surface vernie du comptoir annonça l’arrivée de sa boisson.

Il releva la tête d’un air morne et le barman sourit :

“ - Vous venez de vous faire larguer ou quoi? Souriez mon gars, et en plus ce soir vous avez le choix parmi les conquêtes !”

Il hocha la tête, sans vraiment relever la phrase. Cela ne l’intéressait pas, tout ce qu’il voulait c’était une fin, la fin de l’affaire Lloyd. Le liquide diminuait dans son verre, mais moins vite que ce qu’il avait pensé. Il ne savait pas s’il allait le terminer, ce serait une première. À sa droite, le couple s’en allait et laissait place à une femme, il le remarqua du coin de l’oeil perdu dans ses pensées. Puis vint le moment où le verre était vide, il ne savait pas s’il allait rentrer maintenant. Il regarda sa montre il était déjà vingt et une heures. Il fallait retourner à la maison, manger, prendre une douche et dormir. La femme à côté de lui se rapprocha en hélant le barman, demandant deux cocktails pour elle et “le jeune homme”. Elle se retourna vers lui:

“ - Tu es seul ce soir? Dit-elle d'une voix qui se voulait séductrice.

 - Autant que vous, cette nuit et demain.

 - Mmm, il est grognon le chaton… Viens chez moi et sors les griffes.

 - Je vais surtout sortir de ce bar. Désolé, bonne nuit à vous aussi.”

Orson se leva, paya sa bière et commença à sortir, mais avant d’avoir pu mettre le pied dehors, la même femme se plaqua contre lui. Il daigna enfin la regarder, elle était plus jeune que lui, il lui donnait vingt ou vingt et un ans. Auparavant, il aurait sauté sur l'occasion pour passer une nuit accompagné. Maintenant, il était sidéré par cette dépravation à un tel âge, demander à un inconnu de rester avec elle pour une nuit. Elle n’était pas laide à première vue mais les projecteurs de l’établissement ne l’aidait pas à évaluer sa beauté. Elle était brune apparemment, le maquillage abondant, et le parfum capiteux qu'elle portait titillait ses narines. L’inconnue lui rappelait plus ou moins, la fille qu’il avait autrefois aimé. Il remarqua bien vite des taches foncées au creux des coudes, des bleus, elle se droguait. Elle rapprocha ses lèvres de celles d’Orson... Mais au dernier moment il s’écarta d’elle. Il ne voulait pas de baisers langoureux, ni de vie instable, cette période était révolue, la leçon qu’il en avait tiré avec Ashley lui était resté en travers de la gorge. Puis il sortit du bar, non sans essuyer quelques insultes et rentra directement chez lui.

Sous la douche, l’eau chaude ruisselait sur ses muscles détendus. Certains avaient un peu fondus depuis l’arrêt de son travail, il en avait gardé l’essentiel Il frottait sa peau, jusqu'à la faire rougir, il avait l’impression que l’odeur du parfum était resté et il voulait s’en débarrasser. La douche avait duré une éternité mais le repos qu’il avait pu en tirer lui fut bénéfique. A peine sorti de la douche, il reçut un message de Laura: “Pardon pour cette après-midi et merci de vous être occupé de moi. Je vais rester dormir ici cette nuit.”

Ainsi, elle allait dormir dans la chambre d’ami de son père. Juste à côté de chez lui, c’était dommage qu’elle n’y emménage pas, mais il pouvait la comprendre: trop de souvenirs dans une telle maison, une nuit suffit largement.

OrsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant