Premier secret

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Il avait relevé la béquille, à présent seule sa jambe gauche touchait terre donnant un équilibre précaire à la moto. Il vérifia une dernière fois que le réservoir était bien plein, puis il mit le contact et la moto commença à ronronner. Orson porta son regard sur Laura, celle-ci hocha la tête pour signifier qu'elle était prête. Si Orson était calme et sûr de lui, Laura avait le coeur qui battait la chamade, un flot d'excitation et d'adrénaline parcourait ses veines.
Elle se plaqua à Orson, ses bras parvenaient à peine à se rejoindre avec les protections d'Orson et les siennes. Elle était tellement collée à lui, qu'elle pariait intérieurement qu'il ne pouvait plus bouger à cause d'elle. Mais Laura osa même poser sa tête sur son dos. Puis les vibrations du moteur devinrent plus fortes, le son du moteur n'était plus le même et le vent engendré par la vitesse soufflait. C'était un départ en douceur, Orson savait où il allait, il pouvait bien prendre son temps et éviter de démarrer sur les chapeaux de roues.

Au début, Laura avait peur de se pencher, surtout avec le léger sac à dos, donc la moto était déstabilisée dans les virages mais après un petit moment elle suivait les mouvements d'Orson, lui ne faisait plus qu'un avec son bolide. Orson voulait l'emmener au bord d'un lac, là où tout était calme et que seul le bruit des clapotis de l'eau viendrait les déranger.

La petit bout de femme collé à lui ne le laissait pas de marbre, même s'il devait se focaliser sur la route elle le perturbait. Bien sûr ce n'était pas la première qu'il avait fait monter quelqu'un sur sa moto, il n'avait pas vécu en moine pendant ses permissions il fallait se l'avouer. Mais Laura ce n'était pas la même histoire, il ne comptait pas aller plus loin pour l'instant, il ne la connaissait pas vraiment et elle non plus d'ailleurs. C'était une bonne amie, ils s'entendaient bien après tout ce qui s'était passé. Elle devait aussi avoir d'autres problèmes, ce n'était pas le moment. Laura était en train de somnoler sur Orson, bercée par le bruit du moteur. Heureusement pour elle, la destination n'était plus très loin, elle n'avait donc pas intérêt à s'endormir. Le lac commençait à se dessiner au bout de la route, il regarda le niveau d'essence qui lui indiquait qu'il allait pouvoir rentrer serein. Orson avait ralenti, permettant à Laura de se détacher légèrement de lui, sa cage thoracique avait cessé d'être comprimée.

Laura était assez émue, cette première expérience n'avait pas duré assez longtemps, elle voulait encore continuer à rouler, à voir le paysage défiler et à partager ce moment avec lui. Mais la moto était désormais à l'arrêt, il l'avait stabilisée puis était descendu pour placer l'antivol et aider Laura à poser pied à terre. Il aurait encore aimé l'avoir contre lui, mais seule la brise vint se glisser sous son blouson. Ils enlevèrent leurs casques et allèrent trouver un endroit convenable pour manger. Une fois assise, Laura tenta d'apaiser les tremblements de ses mains, l'adrénaline faisait encore effet et lui laissait une sensation unique. Elle se laissa aller en arrière et ferma les yeux, à l'écoute du pépiement des moineaux. Au bout d'un moment, Orson brisa le silence:

" - Alors ça fait quoi de prendre la moto?

- C'est... Indescriptible!

- Elles disent toutes ça! fit-il avec un clin d'oeil.

- Idiot. Lâcha t-elle en souriant. Je peux te poser une question hum... Indiscrète?

- Essaies toujours.

- Tu peux m'expliquer ce qu'il est vraiment arrivé à ton genou?"

Il se tut et prit un air grave.

" - Quand j'étais dans l'armée, j'étais au front. On ne se fait pas de cadeau, on a tiré une balle perdue et elle a traversé mon genou. La première personne qui a tendu le bras vers moi s'est faite tuée, ce n'est que lorsqu'il y a eu un très bref moment de répit que l'on a pu me secourir. J'ai cru mourir. L'articulation était irrécupérable sur le moment, on a du me rapatrier et j'ai du me ranger. Les chirurgiens étaient sceptiques quant à la récupération du genou, ils pensaient m'amputer au début. Mais face à mon refus catégorique, ils ont fait le nécessaire pour garder la jambe. Il a fallu 3 opérations, des broches, du rafistolage. Au final, j'ai récupéré la moitié de ma mobilité, le plus dur étant la douleur."

Laura s'était rapproché d'Orson, lui pressant l'épaule en signe de réconfort et de soutien, l'un des secrets les plus lourds avait été révélés.

OrsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant