Orson

Une amie?

31.05. Maison 45. Ruther’s place. 9h00

Orson l’attendait effectivement en bas de l’immeuble, tout comme dans son cauchemar. Elle enfila rapidement ses protections, câlina longuement Theos qui lui faisait ses yeux spécial chien battu indiquant sa réticence à laisser Laura y aller. Elle prit les escaliers, décidément ce rêve lui avait laissé un arrière-goût plutôt amer. Une fois en bas, Orson s’était déplacé pour lui dire bonjour sans plus de cérémonie et quelque peu déçue, elle demanda si ce qu’il avait échangé hier soir n’était qu’une illusion.

“ - Non c’était bien réel, rassures-toi. Un moment d’égarement que je ne regretterai, ni n’oublierai jamais, ne t’en déplaise.”

Au moins, ça, c’était vrai et cette nouvelle étape dans leur relation gonflait le coeur de Laura de joie. Orson, était sceptique: il aimait beaucoup Laura, vraiment. Mais était-elle prête à accepter un homme éclopé, estropié ? Il avait retourné cette question toute la nuit, tous les angles possibles car cela l’angoissait. Il se voyait mal aimé par une femme alors qu’il ne s’aimait pas lui-même, mais il sentait qu’il ne pouvait que sombrer sans elle. Elle lui avait remué ce qu’il avait enfoui, ce dont il pensait ne plus en avoir besoin, il avait appris à vivre sans et en une semaine, il a vu ces éclats de sentiments remonter petit à petit. Il regrettait presque qu’elle reprenne son travail demain, il voulait que ces morceaux d’émotions fassent de nouveau surface.

Il se doutait bien que les émotions étaient à double tranchant, que si elles revenaient elles pourraient tant le faire souffrir que le rendre heureux. Mais il en avait besoin, ça le rendait vivant, bien plus que la masse déshumanisée qu’il était auparavant. Il n’avait vraiment pas envie de perdre la source de ce changement, c’était comme sortir la tête de l’eau et d’inspirer un air frais, de sentir à nouveau son coeur battre. Cette sensation oublié était si dévastatrice et addictive une fois réveillée, non il ne regrettait rien de ce que cet événement avait fait de lui même si maintenant cela pouvait le rendre malheureux. Cet homme au sang-froid qui a du tuer pour sauver son pays et qui vivait en lui venait d’être balayé, allait-il pouvoir vivre normalement maintenant? Allait-elle être la femme qui a tué ce qu’il était pour sauver ce qu’il est réellement? Il aimerait tant mais la question qui l’avait empêché de trouver le sommeil hantait toujours son esprit.

La route était magnifique, le temps était clair et pas de nuages dévastateurs en vue, ni d’accélération sur les lignes droites. Cette fois Laura ne rêvait vraiment pas, et il était clair qu’Orson savait ce qu’il faisait, la souplesse de cet homme massif sur cette moto l’étonnait encore aujourd’hui. La route était bien plus longue qu’hier, et il allait effectivement au sud de l’Angleterre. Il lui avait fait la surprise de l’emmener au cottage de ses parents, là-bas ils avaient construit une petite ferme pour la retraite et avec ce qui leur restait ils avaient acheté deux chevaux. C’était encore très récent, sa soeur et sa nièce venaient régulièrement les monter et ses parents venaient s’en occuper tous les jours. C’était un magnifique rêve qu’ils partageaient ensemble, et Orson voulait que Laura profite d’une balade équestre avec lui. Il se sentait bien à cheval, autant qu’à moto, mais c’était incomparable il savait très bien l’entretien que demande l’animal face au véhicule et au détriment de l’un des deux, le choix était vite fait. La moto c’était pour lui, son moyen d’évasion le plus rapide, efficace et fidèle et chaque tour de roue faisait battre son coeur un peu plus vite.

Ils avaient hâte d’y arriver, Laura était curieuse de découvrir une partie du monde qu’entretient Orson, et ce dernier avait hâte de parler et de voir ses parents, dans une sorte de retour aux racines. Bien sûr, cela allait être difficile pour lui de parler de son accident, il savait que cela allait remuer le souvenir d’Aaron, son frère cadet. Sa soeur était peut-être chez ses parents, ce serait une aubaine de rencontrer tout le monde, cela faisait tellement longtemps qu'ils ne s'étaient​  pas vus.
Une fois arrivés, ils sonnèrent et une petite dame avec quelques cheveux grisonnants vint leur ouvrir la porte. Ce lieu chaleureux réchauffa le coeur des invités et l’engouement des parents d’Orson, encouragea quelques tendresses auxquelles il n’était plus habitué. Prenant conscience de la présence d’une autre personne, la mère se tourna vers Laura puis vers Orson.

“ - Eh bien alors mon petit, tu ne nous présentes pas?

 - Bien, maman et papa voici une.... Amie Laura, et Laura voici mes parents. annonça t-il prestement”

Sa mère hocha la tête l'air malicieux et observa les yeux brillants de son fils, qui lui avait le regard vissé sur cette femme. Mais Laura n'en tint pas compte et resta dans ses pensées
Une amie, amie, c’était donc comme ça qu’Orson comprenait ce baiser et ce début de relation. Laura était confuse mais elle camoufla cette déception derrière un sourire qu’elle sentit faux et vacillant. Il allait devoir s’expliquer et ce, rapidement car il n’avait pas lancé cette marque d’amour pour la considérer comme une “une amie”. Quelque part un petit pincement dans sa cage thoracique montra qu’elle était encore plus atteinte qu’elle ne le pensait. Elle avait cru… Elle avait cru en ce début d’amour pour elle et lui réduit à néant tous ses espoirs devant ses parents. C’était pire que le cauchemar qu’elle avait fait hier soir.