Orson

Jeu de forces

Ils avaient passé le reste de la matinée à parler de tout et de rien, de vieilles anecdotes faisaient surface, laissant derrière elle des éclats de rires. Orson ne regrettait en rien cette rencontre, et cette sortie. Il était loin de s’imaginer ce qu’il s’était déroulé ces derniers jours, c’était un vent de fraîcheur dans sa pauvre petite vie, il n’avait qu’une envie: que cela dure éternellement. Malgré les différences, il s’entendait très bien avec elle et a même osé rajouter quelques détails sur sa vie. Bien sûr, ils n’étaient pas encore assez proches pour discuter de leurs passés. Orson aurait voulu la rencontrer plus tôt et dans d’autres circonstances, mais il en fut autrement et quelque part heureusement, sinon ils ne se seraient jamais vu. En repensant au circonstances, l’affaire n’avait plus avancé mais elle n’est pas encore classé, cela ne fait qu’une semaine après tout. Mais le peu de preuves amassées ne suffisaient guère à trouver le coupable.

Il riva son regard au lac, le soleil se reflétait sur les légers flots. Le cours de ses pensées reprit, sur quelqu’un d’autre, Ashley. Elle ne ressemblait pas à Laura: elle était plus grande, brune tirant sur le blond foncé, des yeux verts, elle était très belle mais trop convoitée, c’était pourtant la seule qui l’avait remarqué. Sa dernière année de service s’était conclue sur sa rupture avec Ash, suite aux opérations il était dévasté. “Je suis désolée Orson, mais je cherchais quelqu’un de plus présent...”, avait-elle prononcé ce jour-là. Quelques mois plus tard, ce “quelqu’un” avait bu plus qu’il n’en fallait et elle aussi, ils devaient prendre un virage en tête d’épingle mais la vitesse était bien trop élevée. La voiture avait fait une sortie de route, et les occupants avaient été retrouvés morts. Décidément, il n’était entouré que par la faucheuse. Il perçut soudainement la voix de Laura, elle l’avait ramené à terre:

“ - Eh? A qui penses-tu? le questionna t-elle.
  - A toi…
  - C’est vrai? Dit-elle en retenant sa respiration.
  - Non. J’aurais pu.
  - Hm hm. C’est ça, idiot. fit-elle en lui donnant un coup de poing dans l’épaule.
  - Tu es vexée? lança t-il.
 - Non, de toute façon tu penses à qui tu veux.
  - Vraiment…?
  - Sauf à moi.
  - Surtout à toi.”

Laura ne saisit pas le sens de cette phrase, il pensait à elle ou non? En tout cas, elle n’était pas rassurée par cette affirmation. Oubliant les questions, elle enleva les sandwichs du sac et en tendit un à Orson, tandis qu’elle commençait à entamer le sien. Curieusement, il n’était pas mauvais mais bon cela restait un sandwich comme un autre, puis elle fixa son regard sur le lac. Ils mangèrent silencieusement, et passèrent le reste de l’après-midi à se promener sur les berges du lac. Allant même jusqu’à remonter leurs jeans pour marcher dans l’eau, elle était encore fraîche mais c’était agréable. Orson était arrivé derrière elle silencieusement, avant même qu’elle n’ait pu réagir, il versa l’eau qu'il y avait dans ses mains sur le cou de Laura. Cette dernière hurla à cause de la température du liquide, il allait le payer cher! Elle était trempée et avait froid avec le vent, elle détestait Orson qui riait encore de son ânerie. Il était joueur mais pas sans coeur et lui passa sa veste de moto, plus lourde et plus épaisse que la sienne, le temps qu’elle se réchauffe et sèche sur la berge.

Elle eut un regard noir dans un premier temps, mais elle ne put résister au sourire enfantin qu’il avait lâché après s’être moqué d’elle. Il avait passé un bras autour de ses épaules en disant qu’il était désolé mais que c’était une occasion en or, qu’il ne pouvait pas rater ça. Il lui promit un repas de princesse ce soir, avant qu’elle ne rentre chez elle. Elle hésita avant d’accepter, elle n’était pas rancunière pour deux sous mais cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas dîné avec un être humain du sexe opposé. Suffisamment réchauffée au bout d’une bonne demie heure, elle lui rendit son blouson et enfila le sien. Orson sentit les douces effluves du parfum féminin dont le tissu s’était imprégné, il sentait la framboise et le parfum pour femme, l’image d’ancien soldat n’était plus crédible. Elle l’était encore moins quand il se faisait asperger d’eau, à son tour. Laura avait saisi une des bouteilles, encore à moitié pleine pour en déverser le contenu sur lui. Il la vit rire, c'était de bonne guerre après tout, une idée germa dans son esprit. Laura remarqua une lueur d’amusement dans le regard de sa victime. En guise de vengeance, Orson rapprocha rapidement son visage de celui de la femme, elle avait cessé de respirer et sentait chacune des expirations d’Orson sur sa peau, leurs lèvres n'étaient plus qu’à à peine un centimètre de distance. Il la vit rougir puis baisser vivement la tête, c’était un jeu de forces entre eux, elle avait perdu. Courageuse mais pas téméraire.