Inexorable

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Il faisait jour, Orson était en bas de chez elle et l’attendait. Elle enfila rapidement ses protections et courut le rejoindre. L’ascenseur descendait lentement, beaucoup plus lentement que d’habitude, cela devait être une impression. Une fois au rez-de-chaussée, elle sentait que quelque chose clochait mais ne tint pas compte. Avant de la laisser monter à moto, Orson la serra dans ses bras aussi tendrement qu’il put. Elle était aux anges, le nez fourré dans l’épais morceau de cuir imprégné de cette odeur citronnée si particulière. Puis Orson se détacha d’elle et enjamba son bolide, et tous deux fixèrent leurs dernières protections. Elle se cala derrière lui et lui fit un dernier câlin, puis Orson démarra le moteur et enclencha les premières vitesses, faisant ronfler la moto un peu plus à chaque fois au grand bonheur de sa passagère. Ils roulèrent tranquillement dans Londres, avant de trouver la bonne sortie, direction de sud repéra Laura. Une chance qu’il fasse beau, après les averses de cette nuit et puis la route n’était pas si mouillée que ça. Le vent, s’était à peine levé, les conditions étaient parfaites pour rouler avec l’homme de ses rêves.

Enfin sortis de Londres, la circulation était inexistante sur les routes qu’ils empruntaient, des routes de campagne, de magnifiques lignes droites ou de larges virages. La moto suivait les courbes avec une souplesse exemplaire et parcourait les routes à une allure folle, curieusement Orson ne se souciait pas du niveau d’essence, il devait avoir prévu cela auparavant, tôt ce matin sûrement. Les paysages défilaient devant ses yeux, elles n’en reconnaissait aucun mais les couleurs étaient changeantes, l’effet de flou provoqué par la vitesse n’aidant en rien à la reconnaissance. Cela faisait longtemps qu’ils roulaient maintenant, une éternité, une bonne heure et demie voire plus, c’était vraiment trop elle essaya d’appeler Orson mais pas de réponses, avec le vent, le casque et le bruit du moteur c’était vraiment impossible de lui parler ou de l'entendre. Puis elle s’aperçut que le temps avait brusquement changé au loin, d’un coup de sombres nuages, porteurs de pluies et d'orages avaient fait leur apparition. Ce n’était certainement pas le moment pour rouler surtout à moto, mais bon après tout ils étaient encore éloignés des masses nuages et potentiellement de très mauvaises augures portées par ces nuées.

Orson s’amusait encore à filer à grande vitesse sur les lignes droites, si cela amusait Laura au début elle commençait à douter de la conduite du motard. De plus, il prenait les virages vraiment serré, non, ce n’était plus drôle. Elle commença à appuyer sur l’épaule d’Orson pour le faire réagir, le faire s’arrêter mais elle avait plutôt l’impression de faire face à un mur. C’était extrêmement angoissant, surtout qu’ils se rapprochaient de plus en plus des nuages. Elle était perdue et descendre de la moto serait actuellement du suicide. Elle avait l’impression que la moto allait toujours de plus en plus, telle une machine infernale dans l’impossibilité de ralentir. Elle sentait son rythme cardiaque s’envoler au fur et à mesure des secondes, le paysage n’était plus qu’une ligne verte continue. Ils approchèrent désormais d’une ligne droite d’une longueur invraisemblable. Sa gorge s’était nouée et les larmes lui montèrent aux yeux. Il n’allait pas faire ça, c’était son ami, son petit-ami même, il ne pouvait pas se permettre de la mettre en danger, si?

A l’évidence, si. Elle ouvrit la bouche pour hurler, mais l’air coincé dans ses poumons refusa de sortir. Elle ne pouvait plus hurler, elle le voulait de toutes ses forces mais elle ne pouvait plus. La moto filait alors à toute vitesse sur la route, elle serrait Orson de toute ses forces, les larmes aux yeux de peur de perdre sa vie. Ils devaient au moins atteindre une vitesse supérieure à cent quatre-vingt kilomètres heures. C’était horrible, atroce, il allait la tuer, ils allaient se tuer.

Soudain, elle sentit la moto ralentir puis le vide sous elle, en l’espace d’un instant, le pneu arrière de la moto avait chassé sur une flaque d’eau qui semblait sortir de nul part. Elle se vit projetée de la sportive noire à une vitesse meurtrière, de même pour Orson. Les protections étaient désormais devenues inutiles et il n’avait pas su ralentir la moto à temps, c’en était fini d’eux, la mort approchait d'une manière inexorable. Elle toucha le sol d’une brutalité extrême, tout son corps lui faisait atrocement mal, elle ne pouvait plus bouger. La vie s’échappait d’elle peu à peu, sa vision se troublait un peu plus à chaque seconde, un voile rouge sang venait l'obstruer, sa respiration devint plus difficile, plus courte, plus faible… Soudain ce fut le noir total. Etait-elle morte?

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Ses yeux s’écarquillèrent brutalement et elle se redressa d’un mouvement, inspirant rapidement un bouffée d’air. Le réveil affichait sept heures, elle était dans son lit, chez elle. Theos grattait la porte avec impatience, son portable clignotait annonçant des messages, sûrement Orson. Elle ferma les yeux, c’était un cauchemar, elle était bien là, vivante. Laura passa une main fébrile sur son visage, c’était tellement réel, tellement... La jeune femme se regarda dans le miroir, c’était bien elle et elle n’avait rien. Cela faisait du bien de se savoir vivante, mais ça ne la rassurait pas pour autant de monter à moto aujourd’hui. Cependant, elle espérait de tout coeur que le baiser d’hier, était bien réel et qu’elle n’a pas rêvé. Puis, elle retourna vaquer à ses occupations, son prince charmant devait venir avec sa monture vers neuf heures.

OrsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant