XV. Ein

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Loin de tout vivait Charon. 

Pour ceux qui l'apercevaient, il paraissait étrange, cet homme.

Dans la colline, à deux jours de marche du petit village de La Fonte, dont les gens étaient spécialisés dans le conditionnement des métaux avant de les envoyer aux forgerons, il ne fréquentait que peu de monde.

Non que les villageois ne soient pas des gens agréables, car malgré leur air aussi brute que l'était leur travail, ils étaient des personnes formidables qui l'avaient accueilli avec bienveillance lorsqu'ils s'étaient installé dans la région,  il y a plus de vingt ans maintenant.

Charon était un homme discret, simplement, parmi eux. Il aimait être seul et un peu isolé du reste du monde, comme si cela pouvait le déconnecter du reste de sa vie vécue.

Car malgré sa discrétion, Charon était connu tel le Loup Blanc. Il portait le surnom de Ein, le Maître des Lames. Il est celui qui a éduqué les plus grands guerriers de la mer d'Istaende à la mer Arcande. Il a peu de disciples, et ils sont tous aujourd'hui auprès des rois de ce monde, ou presque.

Le seul homme vivant en bas qu'un Draconiste redouterait d'affronter.

Ainsi vivait Charon, le Tranquille.

Un jour parmi tant d'autres, au sommet de sa colline calme, Charon débitait du bois, une de ses tâches quotidiennes. Le labeur intense lui faisait oublier le temps et son âge, à cet homme fort. Il avait les yeux aussi gris que l'acier, que ses propres cheveux. Le visage plié par des milliers de combats de la vie, sa peau était presque brûlé par les années au soleil et à la pluie. Son corps restait ferme comme celui d'un homme à la force de l'âge, mais ses bras et ses mains caleuses étaient des symboles vivants de celui qui restait au sommet de son art. Ni grand, ni petit, il était cependant plus coquet que dans sa jeunesse, à force de côtoyer des Cours Royales pleines de sang bleu. Ainsi il avait pris l'habitude de porter des vêtements pratiques mais élégants, sans plus, mais rasait malgré tout de près ses joues chaque jour, et prenaient soin de tresser ses cheveux de la façon dont les hommes les coiffaient là où il avait vu le jour. Une identité revendiqué que pourtant, nul ne connaît plus à ce jour.

Sa tâche terminé, il releva la tête vers le ciel, jugeant selon le temps ce qu'il allait faire cet après-midi. S'entraîner à la hallebarde, peut-être. Ou alors à la dague ?

Illuminé de soleil, un aigle gris transperça son ombre pour foncer vers lui. Un instant, Charon pensa que le rapace venait de crever le soleil, tellement il avançait vite: l'envergure de ses ailes cachait déjà les lueurs de l'astre.

Par réflexe, il tendit sa haché droit devant lui, et les serres de l'aigle agrippèrent le manche de bois, le faisant légèrement craquer. Charon sentit le poids de l'oiseau peser au bout de son bras, mais ne faiblit pas, observant rapidement son nouvel hôte.

Pas d'erreur, un aigle gris tacheté de blanc, le regard doré et persan, et une envergure d'ailes plus grande que la moyenne des aigles de ce pays: c'était un messager Draconiste, certainement ceux qui vivait à la Cime.

Il aperçut le message attaché à la patte de l'oiseau et le récupéra délicatement. Une fois ceci fait, l'oiseau quitta le manche de la hache pour reprendre son envol, et Charon put se libérer les mains pour lire le petit papier bien rempli.

"J'en appelle au Maître des Lames. Il est temps maintenant de reprendre ta route. Les étoiles ont parlé. Le temps est venu. Le Mal va se faire ressentir sous peu, et nous aurons tous besoin de toi."

Charon soupira, froissa le papier avant de le ranger dans sa poche sans plus d'importance. Il s'étira alors le dos, puis la nuque.

Bon. Il était temps de partir, maintenant.

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