Fille de Mars -

40. Nova

(Juste un petit message avant que vous lisiez ce chapitre pour vous annoncer qu'il s'agit de l'avant-dernier... La fin se rapproche, et j'espère de tout cœur qu'elle vous plaira.)

"O flots abracadabrantesques / Prenez mon cœur, qu'il soit sauvé." - Arthur Rimbaud

***

Nous sommes en orbite. Le vaisseau a été programmé pour cesser sa rotation qui maintenait une gravité artificielle, afin de pouvoir le quitter plus facilement.

Je me sens de plus en plus légère. Mes pieds décollent du sol, et un rire extatique s'échappe de ma gorge.

L'Utopia achève lentement sa dernière rotation, nous offrant une vue imprenable sur la planète bleue. Je flotte, au milieu des étoiles, prête à plonger vers la Terre.

Elle est juste en dessous de nous. Depuis la paroi vitrée du salon de l'Utopia, sa courbe se découpe dans les ténèbres interstellaire, immense et bleue. J'en ai le souffle coupé. Nous y sommes.

Des larmes de joie brillent dans mes yeux. Je n'ai plus qu'une seule hâte : la rejoindre.

— Tu as peur ? me demande Jason, le nez collé à la vitre.

— Oui. Et toi ?

Jason prend le temps de réfléchir.

— Moi aussi. Tu crois que Papa et Maman ont eu peur aussi ?

J'acquiesce. Je n'ai pas le moindre doute : tous les pionniers ont ressenti exactement la même chose que moi en cet instant. Une peur viscérale, primaire, doublée du bonheur infini de pouvoir vivre leur rêve.

Je tourne sur moi-même. Un nouveau monde s'ouvre sous mes pieds et j'en éprouve un vertige presque métaphysique. J'ai parcouru des centaines de millions de kilomètres pour lui. J'ai quitté tous ceux que j'aimais. Et je suis terrifiée à l'idée que la planète bleue me déçoive.

À notre manière, nous sommes des pionniers nous aussi. Des êtres venus d'une autre planète. Qui aurait pensé que les premiers extra-terrestres seraient des humains ? Cette pensée me fait sourire.

Je pense à Hayden. Le jour doit être en train de se lever sur Mars. Je me demande s'il fait encore assez sombre pour qu'il puisse voir la Terre, minuscule point bleu dans le firmament, depuis le dôme de son module.

— Je vais prévenir Mars que nous nous sommes placés en orbite.

Xiaoyun acquiesce. Elle dévore la Terre des yeux.

En m'aidant des meubles, je me glisse dans la salle de communication. Face aux écrans, la paroi dévoile l'étendue bleutée, parsemées de nuages cotonneux, de la planète. Une plénitude absolue m'envahit. Hayden sera heureux en voyant l'incroyable panorama qui se déroule derrière moi.

Un sourire joue sur mes lèvres. Je me tourne vers les écrans, constatant qu'un message vocal de Mars nous est arrivé il y a quelques heures. J'appuie sur l'écran pour commencer la lecture.

— Harmony...

Mon sourire s'élargit lorsque j'entends la voix de Hayden.

— Le... le déshumidificateur a... pris feu.

Je pâlis. Sa voix est précipitée, entrecoupée de respirations sifflantes. Le déshumidificateur a pris feu.

— On ne peut rien faire. Il n'y a pas d'extincteur, rien pour...

Il s'arrête, pris d'une quinte de toux. Mes yeux s'écarquillent.

— Non... non...

Des sanglots secouent ma poitrine. C'est impossible. C'est impossible.