10. Héliopause

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"Nos jours passent comme l'ombre"

***

—Alors ? Comment se porte Sithonius Lacus ? La base est viable ?

— L'électricité et l'oxygène fonctionnent. Pour l'eau, Hawa est en train de vérifier.

La conversation retombe alors que les bruits de la tempête s'intensifient. Les coupoles vitrés surplombant les modules se chargent de poussière.

— Je vais chercher les autres. Nous devons restés ensembles.

Alma disparaît dans un sas attenant, après nous avoir recommandé de remettre nos casques. A côté de nous, un robot constructeur passe en transportant un énorme caisson. Je le suis des yeux, émerveillée. Il y a quelque chose de presque magique à observer une base se construire ainsi, assemblée par des tas de ferraille sans âmes. Les autres pionniers reviennent quelques instants plus tard sous le grand dôme.

Les sons qui nous parviennent du dehors se font de plus en plus réguliers, de plus en plus rapides et forts. Une cacophonie infernale, une choeur endiablé. Puis le coup d'éclat, le déferlement qui s'écrase avec fracas sur la base.

Les mugissements du vent martien sont tels qu'ils me glacent le sang. Chaque rafale serre un peu plus mon coeur dans ma poitrine.

Brusquement, je voudrais retrouver la quiétude de mon enfance, cette insouciance qui me faisait penser que notre chère planète rouge était l'endroit le plus sûr de toute la galaxie. Un havre de paix et de prospérité perdu au milieu d'un univers infini, lorsque j'étais encore assez naïve pour penser que le malheur n'arrivait qu'aux terriens.

Nous étions protégés par Mars, par notre terre écarlate que nous chérissions tant — qui nous haïssait tant. Une planète stérile et antipathique à toute vie.

La tempête passe sur Sithonius Lacus en ébranlant les murs d'une force démoniaque.

Nous sommes là, tous les sept, nos visages tendus par l'anxiété, nos souffles erratiques entamant davantage encore nos réserves d'oxygène.

Nous sommes là, infimes obstacles sur le chemin du monstre de Mars, à attendre que les éléments achèvent leur ballet fou.

***

Après de longues heures d'inquiétude, la tempête se calme, d'abord doucement, puis tout à coup.

Le silence en est assourdissant, insupportable.

Ils nous faut de longues minutes avant de trouver la force d'ôter nos casques, que nous avions remis par sécurité. Sans même échanger une parole, nous commençons à inspecter chaque recoin de la base. Cette tempête est une des plus grosses que nous ayons affronté. Un baptême pour Sithonius Lacus.

À regrets, je m'éloigne de Hayden pour explorer la base, vérifier que rien n'est endommagé. Je m'engouffre dans un module. Un vaste espace circulaire et gris, encore dépourvu de tout meuble.

Je sursaute lorsque un robot surgit de l'ombre. Paradoxalement, il constitue la seule trace d'humanité sur Sithonius Lacus. Un pantin dont les bras mécanisés rappellent curieusement ceux d'un être humain. Tout comme moi, ils sont des extra-terrestres.

La base fantôme me fait frémir. Des peurs enfantines reviennent me hanter : le monstre de Mars, tapi dans les ombres, caché derrière la prochaine porte qui coulissera devant moi, dévoilant un espace dépressurisé qui m'emportera dans une déflagration.

Je ferme les yeux un instant, tachant tant bien que mal de chasser ces pensées puériles de mon esprit, avant de retourner vers le plus grand dôme, celui qui servira de salle commune.

Fille de Mars -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant