13 - Melody

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Max me supplia presque quand elle se rendit compte que je n’avais pas très envie de céder à ses requêtes. Ses arguments étaient bons et je la laissais les exposer mais ça ne suffisait pas forcément à faire le poids face à mon anxiété. « Allez, soit cool ! Tu sais que mes parents t’adorent et ça te fera une soirée de repos loin des tiens.

-Le dîner pourquoi pas, mais rester dormir…

-On n’a pas fait de soirée pyjama depuis des années, Mel ; mais souviens-toi comme on s’amusait bien !

-Je me souviens-

-Je sais, je sais… » Elle me coupa, comme souvent. Je dus me mordre la langue jusqu’au sang pour ne pas finir ma phrase, me forçant pour m’en tenir à la thérapie cognitivo-comportementale que Dr Welsh m’avait fait suivre. Laisser quelque chose inachevé était aberrant pour moi et me dérangeait tellement…

« Toi et ta mémoire presque photographique… Je te connais, tu sais. Et j’ai envie de passer une soirée avec ma meilleure amie alors tu peux bien faire un effort et ramener tes fesses ! »

J’aimais Max comme si on partageait le même sang grâce à tous nos souvenirs communs remontant à l’enfance. Et pourtant, ses mots étaient plus exacts qu’elle ne le soupçonnait réellement : ce qu’elle souhaitait me demandait beaucoup d’efforts.

J’étais prête à les faire pour elle, même si c’était dur. Elle était l’une des seules pour qui je cédais parfois parce que certains jours son amitié avait été la seule chose qui me permettait de ne pas sombrer dans la folie. Elle m’avait forcée à me tempérer quand on était enfants.

Je raccrochai en lui donnant une estimation juste du temps qu’il me faudrait pour qu’elle me trouve sur son perron. Le dîner avec ses parents se passa bien, comme toujours.

Bien que Max ait un nombre élevé de copines, j’avais été privilégiée depuis le début. Ce qui me gênait était que cette attitude semblait motivée par leur impression que j’étais un petit oiseau fragile à l’aile tordue. J’étais de moins en moins d’accord avec cette image que tout le monde projetait sur moi alors que je l’acceptais volontiers à une époque.

Le reste de la soirée se passa en compagnie d’Anne et de Paul. Eux sur le canapé et Max et moi chacune sur un fauteuil. On regarda un film quelconque, qu’on passa notre temps à commenter. Le couple avait appris à s’habituer à nos bavardages incessants. Quand nous étions réunies, pas moyen de nous arrêter. Nous avions trop d’idées, de théories et d’avis à partager.

Quand vint le moment de monter nous coucher, je fis moi-même mon lit avec des draps propres que j’avais emmenés. Ce n’était pas que je n’avais pas confiance en Max ou la propreté de sa chambre mais elle n’utilisait pas le bon détergeant et ne se lavait pas les mains avant de placer les vêtements et autres dans le sèche-linge et avant de les sortir.

Bien que mon amie connaisse mes manies, elle n’aimait pas trop se plier à mes contraintes. Elle avait une personnalité de dirigeante, pas de suiveuse et je n’arrivais pas à lui en tenir rigueur. Après tout, j’étais l’une des plus mal placées pour critiquer quelqu’un qui ne s’interdisait pas d’être qui elle était, peu importe à quel point ça représentait un inconvénient pour son entourage.

Avant de nous endormir, elle me raconta sa journée et moi la mienne, avec tous les détails de mon aventure. Pendant ces instants, nous n’étions pas Melody la folle et Max la chiante, juste deux meilleures copines. Et c’était ce dont j’avais eu besoin sans le savoir.

Un tel type de projet m’aurait posé un nombre incalculable de problèmes (en réalité, au minimum 15) en temps normal. J’avais eu une chance incroyable d’y échapper jusque-là. La liste des contraintes était sans fin ; je n’aurais même pas pu me tourner vers ma meilleure amie. Max n’aurait rien pu faire pour me faciliter ce devoir étant donné que nous devions former des duos mixtes.

Je ne sais pas comment je me serais sortie de ce pétrin si Hayden n’était pas entré dans ma vie depuis. Instinctivement, je l’avais cherché dès l’annonce car il était la seule option acceptable pour moi. Et lorsqu’on se mit d’accord pour le faire ensemble, cela se fit naturellement. Il avait apparemment également voulu que je sois sa partenaire et, avec tout le charme dont il savait faire preuve, il parvint à me faire croire que sans moi, cela aurait été tout aussi pénible pour lui.

Etant donné qu’il pouvait se montrer encore plus solitaire que moi, son argument n’était pas totalement injustifié, aussi ridicule soit-il. Ce projet dit ‘d’intégration’ nous avait été imposé, comme à tous les élèves de l’établissement. Nous n’étions forcément pas les seuls à avoir trouvé un moyen de contourner le problème pour rester entre nous au lieu du but prévu mais nous devenions remarquablement doués pour contourner les difficultés ensemble.

Cette occurrence consistait à présenter dès la semaine prochaine un plan de vie complet sur 10 ans, écrit en présence de notre binôme qui devrait présenter notre avenir pour nous. Rien ne devait être laissé au hasard : université ou non, quelle carrière et lieu de vie. Quels investissements nous comptions faire, ce qu’ils allaient nous apporter et comment les rentabiliser.

Enfin, nous devions expliquer ce qui risquait de nous freiner et comment nous avions l’intention de pallier cela. Un projet titanesque auquel j’avais maintenant hâte de m’atteler. Vu que je passais une bonne partie de mes journées à suivre des étapes préalablement listées dans mon esprit, je recevais pour la première fois une mission pour laquelle je me sentais à la hauteur. Pour moi, ce devoir ne représentait rien de plus qu’un samedi après-midi !

Tout Ce Qui CompteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant