Tout Ce Qui Compte

1 - Melody

Chaque jour, je faisais exactement 2222 pas pour me rendre de chez moi jusqu'au lycée. La seule raison qui faisait que j'acceptais que ce ne soit pas un multiple de 5 était que ce nombre est composé du même chiffre. Cela créait une harmonie qui suffisait à apaiser mon esprit facilement irritable.

Et puis je lui trouvais une certaine poésie, d'une façon que j'étais sans doute la seule à pouvoir déceler. 2x2=4. Comme les deux premiers chiffres forment cette opération, il fallait qu'il y ait ce fameux 2 répété 4 fois. C'est logique, c'est tel que ça doit être.

Tout mon monde était organisé selon ce schéma rigoureux et méticuleux. Tout était ordonné à la perfection, c'était ce qui me permettait de fonctionner relativement bien au lieu de devoir me cacher dans un coin sombre pour me balancer d'avant en arrière, mains sur les oreilles et yeux fermés.

Le problème est que cela signifiait aussi que je ne fonctionnais pas normalement ; et lorsqu'on est en marge, les gens semblent prendre un malin plaisir à se moquer de cette divergence et à vous exclure encore un peu plus de la société. Il ne faudrait pas que quelque chose vienne gêner leur moyenne et les empêche de classer les individualités dans des cases !

Malgré tout, j'avais fait des efforts pour essayer de m'intégrer, mais à partir du moment où j'avais été catégorisée, mes chances avaient été annihilées. Je suis tout de même chanceuse d'avoir rencontré Max avant que cela n'arrive, à une époque où les enfants ne voient que des amis ; sinon je n'aurais peut-être vraiment eu personne de mon côté. Sans elle, j'aurais été seule contre tous.

Toutefois, une personne ne suffit pas toujours à défendre. Une voix ne fait pas le poids contre une chorale, même si elle ose s'élever. Et cela restait une occurrence assez rare étant donné que Max ne comprenait pas ce qui causait les différences entre les autres et moi. Je ne lui rendais pas la tâche facile non plus, ne parvenant jamais à lui transmettre l'importance de l'ordre dans le bordel qu'était ma vie. Pour elle, les TOCs sur lesquels je n'avais aucun contrôle n'étaient que des lubies enfantines que je refusais de laisser dans le passé.

C'est ainsi que je me retrouvais une fois de plus dans une situation conflictuelle que je n'avais absolument pas recherchée. Je déteste les conflits et les gens qui cherchent toujours à créer des scènes pour pimenter leur quotidien. Je me contentais très bien de ma petite routine tranquille et discrète. J'y puisais de la sérénité. Et pourtant, j'arrivais rarement à éviter plus d'une semaine ce type de personnes.

C'est ainsi que je me retrouvais une fois de plus dans une situation que je ne savais comment gérer. La pression montait mais toutes les échappatoires m'étaient bloquées, créant des niveaux de stress insoutenables. Je restai donc immobile, tentant d'ignorer les brutes qui m'encerclaient. J'espérais vainement que si je prétendais ne pas les remarquer, ils se lasseraient.