Tout Ce Qui Compte

15 - Melody

Hayden et moi avions convenu de nous retrouver chez moi pour travailler. Je lui avais proposé ça pour que ma chambre puisse lui servir de refuge durant quelques heures, où il pourrait échapper aux responsabilités et aux railleries de sa famille. Je n’avais même pas hésité à l’inviter dans mon antre après avoir passé l’après-midi chez lui.

En temps normal, je n’aurais jamais cautionné cette intrusion dans mon intimité. Je ne serais encore moins allée de l’avant en la conseillant, mais Hayden était spécial. Le calme nous ferait beaucoup de bien à tous les deux, loin du dérangement que nos familles créaient trop souvent. Si je pouvais lui apporter un répit, je le ferai.

Les implications de ce raisonnement ne m’atteignaient pas encore ; je le savais seulement vrai. J’attendis impatiemment à mon bureau, tapotant mon stylo sur le tableau que j’avais tracé pour l’occasion sur une grande ardoise. Il nous permettrait de classer par mois et par année tous les détails qu’on allait insérer dans ce grand programme.

J’entendis quelqu’un toquer à la sorte d’entrée et je sautai de mon siège comme un ressort pour aller accueillir celui que je savais être Hayden. Mon allié revenait d’avoir couru, c’était évident. Il portait un pantalon de jogging gris et un sweat à capuche sans manches bleu marine révélant quelques traces de sueur.

Pour une fois, j’osai relever la tête pour lui faire plaisir sans qu’il me le réclame. Il me demandait de croiser son regard entre 7 et 9 fois par jour et j’acceptai entre 5 et 7. Ça en valu la peine. Le petit sourire qu’il m’adressa lui donnait un air de jeune garçon. Insouciant et joyeux.

Ses cheveux bruns étaient rendus presque noirs par l’humidité qui s’accrochait à chaque mèche. C’était un look qui aurait dû repousser mais le mettait en valeur plus qu’aucune attention à son apparence ne l’aurait pu. Il redescendait à peine de l’euphorie que lui procurait sa passion, il était libéré de ce qui lui pesait au quotidien. Il était parfait.

La première chose qu’il fit fut de s’excuser à maintes reprises pour son état, redoutant que je le vire de chez moi avant même qu’il n’ait passé le couloir car il n’était pas dans un état de propreté sans reproche. Je m’apprêtais à lui expliquer qu’étrangement, ça m’était égal mais il m’interrompit en se justifiant.

« Je n’ai pas vu le temps passer et quand j’ai vu qu’il était déjà si tard, je me suis dit que tu préfèrerais me voir à ta porte à l’heure pile, quitte à ne pas m’être changé d’abord. »

Il n’avait pas tort. Même si en temps normal je n’étais pas complètement relaxée si tout ce que j’étais susceptible de toucher n’avait pas été au préalable désinfecté et javellisé, la ponctualité était encore plus importante pour moi. Le temps avait simplement toujours eu plus de valeur et de pouvoir que le reste. J’acquiesçai donc et le menai jusqu’à ma pièce.

Je lui demandai où il voulait s’installer mais je ne reçus aucune réponse. Je tournai le regard vers l’arrière et vis son visage habillé d’un air de concentration extrême, tous ses traits froncés, créant un tas de petites ridules d’expression. C’était un peu trop adorable pour une atmosphère studieuse. Et pour la confusion qu’elles illustraient.

J’allais l’interroger sur ce qui le dérangeait mais il s’exprima en premier, me regardant droit dans les yeux pour faire passer son message. Ma tête se pencha automatiquement sur le côté pour l’étudier. Je ne me sentais pas coupable, comme je l’aurais peut-être dû, de l’avoir affecté fortement, comme cela avait été le cas lors de notre rencontre. Je n’en étais plus à ce stade, pas avec lui.

« Mais c’est pas une chambre d’adolescente ça, Melody ! On se croirait dans un hôtel ! »

Il secoua la tête de gauche à droite, paraissant presque déçu. Il aurait dû s’y attendre maintenant qu’il commençait à bien me connaitre ! Je ne voulais néanmoins pas lui voir cette expression envers moi, même s’il y avait une majorité de plaisanterie dans son attitude maintenant qu’il s’était repris.