Je lui suggérai de faire sa carrière dans ce domaine, de devenir assistant social. Il était fait pour ça, je le savais car je me sentais enfin appréciative de celle que j’étais. Et c’était dû au fait qu’il me faisait devenir quelqu’un. Quelqu’un de meilleur qui ne reniait pas pour autant qui elle était. Il pourrait offrir le même cadeau à d’autres.
Je lui faisais entièrement confiance désormais. Je savais que si la nécessité se présentait, je pourrais m’en remettre à lui, corps et âme. C’était impossible, et pourtant…Je me sentais capable de tout avec lui, grâce à lui. Ironique, ce fut quelques jours plus tard seulement que l’Univers décida de me tester et que je fus amenée à faire un saut de confiance.
La situation n’était pas sans me rappeler cet exercice obligatoire pour chaque week-end d’intégration forçant la cohésion des équipes. Yeux fermés ou bandés, aveugle et vulnérable, on devait se laisser tomber en arrière et faire confiance aux autres pour nous rattraper avant que l’on entre en collision avec le sol de manière brutale.
Hayden m’avait confié que sa famille n’avait pas du tout approuvé du choix de métier que je lui avais proposé, estimant à tort qu’il ne serait pas à la hauteur. Ils l’avaient tourné en dérision lorsqu’il avait pris son courage à deux mains pour leur en faire part au lieu de le rejoindre à mi-chemin. Il aurait suffi qu’ils ne le mettent pas plus bas que terre mais ils ne croyaient pas assez en lui pour cela.
Je trouvais vraiment déplacée leur façon de l’éloigner et de le braquer encore plus alors qu’il faisait un effort envers eux, pour les intéresser et leur prouver qu’il n’était pas insignifiant.
Ce n’était pas comme s’il avait été obligé de les informer d’une possibilité qu’il envisageait, il l’avait seulement fait pour leur donner une chance de montrer qu’ils avaient envie de le connaître pour l’homme qu’il devenait, pas l’enfant qu’il avait été. Qu’ils pouvaient imaginer un jour le prendre au sérieux. Pour qu’ils puissent voir tout ce qu’il avait à offrir.
Il était tellement dépité et blasé que ça n’apparaisse même pas être comme une possibilité pour ses parents que je lui proposai de l’inviter à faire l’activité de son choix pour lui remonter le moral ou, à défaut, lui changer les idées. Il prit un air espiègle qui lui allait à ravir. Un petit sourire partant sur la droite, des yeux légèrement plissés faisant croire à des ridules les étirant.
C’était bien rare qu’il me dévoile sans masque ce côté de sa personnalité et je devais bien avouer qu’il était loin de me déplaire. Enfin, au début. Il m’amena jusqu’au gymnase municipal, adjacent au lycée, et je me demandai ce qu’on faisait là. Le sport n’était pas du tout un de mes hobbys et bien que je connaisse sa passion de la course, il n’avait jamais montré d’inclinaison à la partager ; c’était son moment de tranquillité.
Je n’étais pas contre le fait qu’il me peigne le tableau de cette activité qui lui plaisait tant, participer était une autre affaire mais j’aurais pu me montrer accommodante. Après tout, cela pourrait ouvrir mes horizons d’une manière que je n’avais jamais envisagée. C’était peu probable (maximum 23%) mais statistiquement, ce n’était pas impossible.
Après m’être dégagé le visage pour qu’il voie que j’étais toute ouïe, je le questionnai sur la raison de notre présence ici. « Tu m’as dit que je pouvais choisir le programme de la journée. J’ai envie qu’on joue à un petit jeu.
-Et on avait besoin d’aller dans une salle de sport pour ça ? » Mon scepticisme ne l’atteint pas et il secoua la tête de gauche à droite avec un air malicieux et l’écho d’un rire dans un souffle. « Fais-moi un peu confiance, Melody. » Avec un soupir décidé, j’expirai mes doutes et acceptai sa requête.
Son « jeu » était finalement qualifiable de sport, comme je l’avais prédit. Ça aurait pu être pire, il avait tenu en compte du fait que j’étais pratiquement inapte en matière d’exercice physique et avait porté son choix sur un niveau d’activité que je pouvais gérer : du ping-pong. Il m’expliqua avant que nous entamions la partie qu’il n’avait pas pris cette décision par hasard et que cette après-midi avait un but.
Lors de notre première rencontre, il avait été témoin d’une des choses qui me stressait le plus et même moi je me devais d’admettre que celle-ci n’avait aucune raison logique de m’affecter à ce point. Il voulait donc essayer de me libérer d’une partie de cette angoisse profondément ancrée.
Pour ce faire, il me sortait du cadre habituel et étendait la théorie à une situation différente pour que mon cerveau soit capable de réagir autrement tout en pouvant appliquer le principe à ma norme une fois que ce serait fait. Dr Welsh m’avait fait faire des exercices semblables ; j’avais toujours été sur la défensive quand on passait à la pratique.
« Dans ce contexte, tu pourras voir que rien de grave n’arrive si on touche une ligne au lieu de l’éviter. Je voulais t’amener ici pour que tu ne recule pas avant même d’y réfléchir simplement parce que tu aurais peur de sortir de ta zone de confort. Maintenant que je t’ai forcée à faire une partie du chemin et expliqué mes motivations, tu peux refuser si tu veux. »
Il me laissait un choix, une porte de sortie qui me permettait de ne pas me sentir complètement dos au mur. C’était une grande considération bien qu’il ne sache pas à quel point. C’est bien pour cela que je ne pouvais pas m’échapper par cette issue. De plus, il paraissait si optimiste, si déterminé que je voulais lui donner une raison de continuer à croire en moi.
Je devais aussi prendre en compte le fait qu’il avait dû se creuser la tête pendant un certain temps pour trouver une réponse adéquate au problème. Et puis, ce n’était pas une si mauvaise hypothèse. Quand Hayden focalisait son énergie et son esprit, il pouvait se montrer redoutablement inventif et intelligent. Et surtout, déterminé à trouver une solution à chaque difficulté.
Je voulais l’encourager à continuer d’essayer et valider cette approche qu’il avait. Il faisait ressortir ce qu’il y avait de mieux en moi et je voulais faire la même chose pour lui, me montrer tout aussi utile. Notre partie dura une bonne heure et bien que j’aie eu du mal à démarrer, je finis par me prendre au jeu et faire tout mon possible pour le battre, donnant tout ce que j’avais.
Le manque d’activité dont je souffrais rendait ça beaucoup plus fatiguant et stressant pour moi que pour lui. Cependant, ce n’était pas seulement dû au sport. Du moins au début, car au fil de la partie, je me concentrais tellement pour réussir chaque rebond, contrer chacun de ses coups et marquer chaque point que je perdais de vue le but annoncé de ce que je faisais.
Je me sentis libérée d’un des TOCs qui m’entravait. Je n’étais qu’une fille normale, m’amusant avec un garçon. Nous étions presque deux amis, bien que ce terme ne me convienne que moyennement… c’était le plus rudimentaire. Max était mon amie, Hayden était différent. Spécial. Ce n’était pas la même relation, ce n’était même pas comparable.
Je ne me posais cependant pas trop de questions pour faire entrer notre relation dans une case. Elle n’était pas compliquée et je n’avais pas besoin de la classer pour qu’elle fonctionne. Elle se suffisait à elle-même.

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Tout Ce Qui Compte
RomanceLes gens se désintéressent très rapidement de ce qu'ils ne comprennent pas ; et personne ne comprend Melody. Melody et Hayden sont deux lycéens un peu en marge. Ils traversent leur quotidien chacun de leur côté jusqu'à ce qu'un incident les mettent...