5 - Melody

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Une présence me perturba et faillit me faire perdre l’équilibre. Ce n’était jamais arrivé avant ; lorsque je faisais ce type d’action, mon esprit entier était à la fois focalisé sur ce que je faisais et à des milliers de kilomètres. En clair, j’étais inatteignable. Sauf que cette fois, c’était différent. Quelqu’un s’insinuait dans mon rituel et ça me mettait très mal à l’aise.

Pourtant, j’étais impuissante à le stopper peu importe ma position sur le sujet. Ce n’était pas comme si je pouvais m’arrêter ou ne serait-ce que demander à la personne qui se trouvait derrière moi qui il ou elle était et pourquoi il ou elle faisait comme moi. Cela briserait tout mon rituel, le rendrait nul et non avenu. Je ne pouvais pas laisser qui que ce soit altérer ma vie. Personne ne méritait ce pouvoir car ils n’en feraient pas bon usage.

Je ne parlais jamais en faisant ce que je faisais car les mots ne servaient à rien. Pas seulement parce qu’ils briseraient le rituel et l’apaisement qu’il m’apportait, également car ils n’étaient pas assez puissants pour faire arrêter qui que ce soit, même si la personne qui les prononçait désirait plus que tout qu’ils puissent le faire. J’étais on ne peut mieux placée pour le savoir. Ça ne marchait pas pour moi, mes paroles ne présentaient aucune défense.

Les pensées s’enchaînaient dans mon esprit mais je ne les laissai pas me distraire plus encore que la mystérieuse présence. J’étais déterminée et je finis mon trajet sur la marelle avant de m’attaquer aux barreaux, comme d’habitude, toujours sans me retourner car ça ne faisait pas partie de ma routine.

Même si je ne me laissais pas trop affecter, mon sentiment d’irritation, au lieu de me quitter ou de s’atténuer, ne cessait de faire son chemin, tout comme moi. Je n’étais toujours pas seule pour réaliser cette tâche, ce qui m’ôtait toute chance de paix de l’esprit. Celle que je recherchais constamment et que j’avais trouvé comment atteindre. Elle me coulait à présent entre les doigts comme le torrent d’une rivière. Un intrus s’imposait dans ce moment personnel, sans doute une façon de se moquer.

Les gens peuvent se montrer très créatifs lorsqu’il s’agit de faire du mal, et vu que la personne s’était mise à m’imiter sans me parler, me demander mon autorisation ou mon avis, c’était la seule explication qui avait un sens. Je partis très rapidement après avoir fini avec les barreaux, me précipitant presque pour m’éclipser dans les couloirs avant d’avoir pu être interpellée ou insultée.

J’étais physiquement plutôt banale, si bien qu’il était assez facile de me fondre dans une foule. Je n’eus pas de problèmes pour éviter l’altercation qui se profilait. Je n’avais pas envie de commencer une journée de plus sur une note si désagréable si je pouvais l’éviter, ce n’était certainement pas ce qui pourrait m’aider à changer, ce que je me surprenais à désirer plus souvent que de raison sans pour autant faire aucun pas vers cette direction.

Fuir lorsque je me sentais menacée ne suffirait pas éternellement, je ne faisais que repousser l’inévitable ; mais c’était un début. Cela ne compensait pas les fois où je ne pouvais m’échapper. Ma théorie bordant la paranoïa selon un esprit sain n’était pas si loin de la réalité pour moi : à peine quelques heures plus tard, en cours de littérature, il fut prouvé que j’avais raison.

J’acceptai de prêter un stylo noir à une camarade que je n’appréciais pas plus que ça. Comme toujours, rien ne me manquait alors que 15 élèves sur 28 oubliaient certaines de leurs affaires tous les jours. C’était typique et c’était devenu la norme pour eux de venir me voir dans ce genre de situation. Je n’étais pas toujours partante mais pas plus tard que ce matin, Max m’avait fait la leçon sur mon incapacité à m’intégrer dans quelque groupe que ce soit. Je m’étais résolue à faire des efforts.

Tout Ce Qui CompteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant