Comment était-il possible que même du Metallica à plein volume à travers un casque audio de bonne qualité ne suffise pas à couvrir les mugissements d'une bande d'imbéciles ? Ils me tiraient de mes pensées et de ma contemplation sur la transcendance des paroles et la beauté de la mélodie qui les liait avec leurs conneries. Je ne pouvais plus me concentrer et ça m'emmerdait royalement.
Je levai le regard de mon iPod, m'apprêtant à pousser une gueulante pour leur demander de faire moins de boucan. Je ne sais pas comment ils firent, mais à la seconde même où je fis tomber mon casque de mes oreilles à mon cou, le vacarme empira. Ils semblaient atteindre des décibels impossibles pour des humains, même en groupe. Ça dépassait un marteau-piqueur selon moi, et pourtant aucun adulte n'avait l'air de s'en préoccuper suffisamment pour les faire taire.
De véritables cris de détresse percèrent à travers les grognements de chimpanzés et les esclaffements de gamins lorsque je m'approchai avec un sourire menaçant. Je ne m'en serais pas mêlé si ça ne m'avait pas dérangé personnellement. J'étais un je-m'en-foutiste comme on me le disait toujours et je ratais tout ce que j'entreprenais. J'avais donc appris à ne plus m'immiscer dans les affaires qui ne me concernaient pas de près.
Mais je n'étais quand même pas complètement sans cœur et indifférent, et là, je voyais bien que j'étais témoin d'une persécution qui allait trop loin. De plus, j'avais vaguement vu un des idiots pousser une fille par terre. C'est ce qui avait déclenché toute cette histoire et la commotion qui avait attiré mon attention.
J'étais certain que ce n'était pas mérité et même si ça l'était, j'avais envie de leur apprendre une leçon de politesse. J'avais une seule qualité, que j'aurais voulu pouvoir transmettre à un maximum de personnes, car notre société en a désespérément besoin : arrêter de faire chier le monde et ne pas s'occuper des autres si l'on n'est pas sollicité.
La jeune fille à l'air profondément timide était en pleine crise d'hystérie, ce qui semblait être la blague du jour pour les gosses irrespectueux, à voir leurs attitudes. Les larmes coulaient les unes après les autres, ruisselant le long de ses joues remarquablement sculptées. Elle se balançait tel que j'avais vu des enfants autistes le faire dans des reportages en murmurant une litanie incompréhensible.
Je ne savais pas si elle était atteinte de ce trouble, mais si c'était le cas, la situation était encore plus tordue que je l'avais imaginée. Je me précipitai et insultai le garçon le plus impliqué, celui qui semblait entraîner toute la bande. Dès qu'il se retourna, je dirigeai mon poing avec force pile sur l'os de son nez, provoquant un craquement et un geyser de sang satisfaisants.
J'aboyai au reste de la bande de dégager et m'accroupis devant cette jeune fille que je n'avais jamais remarquée. Je n'aurais pas su dire si c'était dû au fait que je faisais jamais attention à ce qui m'entourait ou si elle était nouvelle. Je pris ses mains tremblantes dans les miennes, tentant d'avoir une poigne suffisamment vigoureuse pour les stabiliser sans lui faire mal pour autant.
Un contact non hostile pourrait l'apaiser et je misai là-dessus. Elle faillit les tirer vers elle pour les extirper des miennes mais s'interrompit. J'interprétai ça comme un signe que ça la mettait mal à l'aise malgré ce que ça lui apportait. Je me pressai donc de la relever avant de la relâcher, déjà moins secouée.
Je me penchai à sa hauteur pour pouvoir regarder ses yeux bleus-gris me faisant penser à l'eau glacée d'un océan. Elle les fixait sur le sol mais je ne fus pas vexé de son indifférence. J'y étais trop habitué de la part de tous pour ça, elle n'était qu'une personne de plus. C'est le contraire qui m'aurait surpris.
Pourtant, venant d'elle, cette fuite avait plus l'air due à l'embarras ou à l'incertitude de ce qui allait suivre. Pas comme si j'en étais personnellement la cause. Ça changeait, et c'était plutôt normal après ce que le groupe lui avait fait subir. Elle était encore sous le choc, c'était rendu flagrant par ce qu'elle n'avait cessé de répéter sans même reprendre son souffle depuis qu'ils l'avaient poussée.
En lui demandant comment elle se sentait, je compris finalement la logorrhée qui sortait de ses lèvres. Enfin, je compris les mots, la signification qu'ils avaient restait mystérieuse. « Les carrés noirs... Je les ai touchés... »
Je ne cherchai pas à déchiffrer ses paroles mais à l'aider puisqu'elle n'allait toujours pas mieux. Je fis un pas de côté, la guidant par les épaules pour qu'elle suive le mouvement. Elle se tenait à présent sur un carré blanc du sol quadrillé et arrêta de trembler immédiatement.
Je lui reposai ma question : « Tu te sens mieux ? » Elle fit un geste nerveux pour écarter une mèche de cheveux derrière son oreille puis répondit « oui » et partit sans rien ajouter. J'étais perplexe et ne la quittai pas des yeux, admirant sa démarche. Elle était agrémentée de grands mouvements afin d'éviter les fameux carrés noirs.
Pour certains, la jolie fille aux cheveux châtain clair aurait sans doute paru ridicule mais je trouvais qu'il y avait une certaine grâce dans la chorégraphie de ses jambes qui faisait presque danser l'arrière de sa robe.
Elle ne m'avait même pas regardé une fois et je n'avais même pas eu le temps ou la présence d'esprit de lui demander son prénom, m'occupant des choses pressentes en premier lieu. Nous étions deux inconnus et néanmoins, elle m'intriguait presque et avait piqué la curiosité que je ne pensais plus avoir.
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Tout Ce Qui Compte
RomanceLes gens se désintéressent très rapidement de ce qu'ils ne comprennent pas ; et personne ne comprend Melody. Melody et Hayden sont deux lycéens un peu en marge. Ils traversent leur quotidien chacun de leur côté jusqu'à ce qu'un incident les mettent...