20 - Hayden

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J’étais sur le chemin du retour après notre activité ping-pong. Je poussai un caillou du pied depuis déjà 100 mètres sans vraiment y prêter une once d’attention. Ça me permettait de ralentir mon rythme de marche au maximum en réduisant mes enjambées et en faisant de petits détours pour remettre la pierre dans le bon chemin quand elle menaçait de s’échapper.

Repousser l’inévitable n’était pas censé être une fin en soi et pourtant je le faisais aussi souvent que Melody marchait sur le tracé de la marelle. C’était amusant et ironique que moi, qui recherchais la vitesse et pouvait courir toute la journée sans se lasser, j’étais aussi capable d’être le plus lent de ma famille quand il s’agissait de me rendre chez moi.

Le truc c’était que je savais qu’une scène de plus m’attendait à ma destination et je n’avais aucune envie que ma bonne humeur soit éteinte par une douche froide. Mes parents parvenaient à faire d’absolument tout ce que je faisais une véritable tragédie grecque.

Je pouvais prédire le sujet du sermon de ce soir. Ce serait ma sortie de l’après-midi qui, selon eux, était une excuse pour ne pas faire mes devoirs ou m’occuper des trois démons qu’ils avaient pondu. L’idée que je puisse avoir envie de voir quelqu’un ou de faire quelque chose pour moi-même n’avait aucune valeur à leurs yeux, si seulement elle leur venait à l’esprit… Ce n’était déjà pas dit !

Mais si je devais retenir ne serait-ce qu’une notion que Melody m’avait apprise c’était que je devais faire ce qui me faisait plaisir sans me soucier de l’opinion de mes parents parce qu’en ce qui me concernait, la mienne était plus importante.

Elle parvenait à exécuter son propre conseil avec brio, ce que n’importe qui pouvait voir. Elle faisait en fonction d’elle-même plutôt que de laisser chaque remarque la changer, même si elle s’adaptait quand c’était nécessaire.

Du coup, je continuais de laisser leurs interminables remontrances entrer dans une oreille et sortir par l’autre instantanément. Ce n’était pas uniquement parce que je m’en fichais, plutôt parce qu’ils m’atteignaient beaucoup moins qu’avant, maintenant que j’avais Melody. Sa façon de me voir faisait rempart face aux vagues d’avis faux que ma famille avait sur moi.

Ils se trompaient sur mon compte et je ne les laisserai pas avoir raison. Cependant, ils ignoraient mon changement d’attitude et ma volonté d’être quelqu’un de bien, de mieux que celui que j’avais été pendant des années. Et que j’étais devenu… à moitié à cause d’eux et à moitié à cause de mon manque de résistance.

Ils me voyaient toujours comme le moins que rien sans avenir. Je l’étais peut-être mais Melody me faisait croire que ce n’était pas le cas, que j’étais capable de faire de grandes choses. Toutefois, je ne cherchais pas à les convaincre car je savais encore reconnaitre une cause perdue quand j’en voyais une. Je ne voyais pas l’intérêt de suer sang et eau pour, au final, ne pas obtenir de résultat concluant.

Si j’avais été un bon fils, j’aurais quand même essayé. S’ils avaient étés de bons parents, je n’aurais pas eu à le faire. Comme je l’avais pronostiqué, ils m’attendaient sur le canapé, me faisant signe de m’assoir sur le fauteuil qui leur faisait face. J’avais l’impression de passer un entretien d’embauche !

Après un lourd soupir, je laissai mon sac quitter mon épaule pour glisser à terre avec un bruit sourd et m’affalai sur le siège. Je ne pris même pas la peine d’engager la conversation pour qu’ils sachent qu’ils pouvaient commencer, ils n’attendaient que ça !

Le discours était toujours le même, je ne comprenais même pas comment ils faisaient pour ne pas se lasser. Moi, j’en avais ras le cul, pour parler clairement. J’acquiesçai à intervalles réguliers pour faire signe que j’écoutais, les faisant repartir dans leur exposé en imaginant ma chanson préférée.

Tout Ce Qui CompteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant